Italy Under Snow

(titre ? au hasard quoi)

Tibère et Claude se promenaient à deux au bord du Loch, parlant de tout et de rien. Tibère était heureux, simplement. Il trouvait la neige magnifique, il aimait parler aux gens et les voir rencontrer Claude, il retrouvait un goût moins malsain pour la vie à Sywhaîd. Il redevenait la personne qu’il avait été à Rome, aussi barré mais moins perdu, moins méchant et capable d’être un bon ami.
Comme d’habitude, ils étaient habillés pour une saison plus clémente et protégés par un sort de réchauffage. Tibère portait un marcel noir qui le faisait paraître plus musclé qu’il ne l’était et Claude un costume gris un peu froissé et tâché. Il fumait une de ses éternelles cigarettes et marchait nonchalamment, lentement.
Le trio composé des deux italiens et du daemon marchait donc le long de la rive du lac. Mahalalel s’entendait bien mieux avec Claude depuis la dispute avec Mathys dans la serre et ils étaient donc tous les trois très proches.
De plus, pour ajouter à cette atmosphère agréable, le temps était assez clément et doux, si bien qu’ils avaient pu croiser quelques promeneurs aux alentours, profitant de la beauté du Loch sous la neige.
Mais soudain, Tibère avisa une silhouette qui lui rappela quelqu’un. Quelqu’un qui lui avait semblé très intéressant, mais malheureusement n’était pas restée assez longtemps. Prenant son souffle, il hurla :

« Léolaaaaaa ! »

Et éclata de rire en repensant à leur drôle de rencontre dans ce même lieu, des mois auparavant.

Léola se promenait le long du Loch, mains dans les poches, s'appliquant à produire des formes plus ou moins reconnaissables en soufflant doucement dans l'air froid, modulant au besoin à l'aide de sa baguette. L'air doux - pour la saison - compromettait largement son projet artistique, ne lui permettant que de vagues volutes qui disparaissaient aussitôt. Sa moitié suivait à quelques pas, visiblement de mauvaise humeur.
La jeune fille s'exclama, enthousiaste :

- J'ai un don, c'est clair. Celui-là te ressemble, Strict' !
- On dirait une sale bestiole galeuse et enragée.
- C'est bien ce que je disais.

Le daemon se renfrogna et suivit sa moitié près d'une souche où elle s'assit. Il s'allongea dans la neige, et devint de ce fait invisible pour toute personne se trouvant à quelques mètres de distance.

- Saleté de saison, grogna-t-il.

Elle éclata d'un rire moqueur.

- Je savais que tu tenais à passer le plus clair de ton temps à râler sur tout et n'importe quoi, mais je ne m'attendais tout de même pas à entendre un jour un renard polaire pester contre la neige.
- Je déteste l'hiver parce que tu passes ton temps à te promener toute seule au lieu d'entamer une conversation raisonnable avec tes petits camarades.
- Mes... petits camarades ?
- Oui. Aina, par exemple, est une jeune fille fort bien élevée et très aimable.
- Ce n'est pas vraiment ce que tu disais quand elle nous faisait travailler notre Corde d'Argent.
- Non, parce qu'à cette époque elle n'était ni bien élevée, ni aimable.
- Quelle mauvaise foi.

Léola eut un sourire et contempla distraitement la surface du Loch. Les relations avec son daemon avaient évolué à son avantage, comme elle y avait veillé. Il ne décidait plus de ses actes (il avait eu du mal), il n'avait plus à la surveiller (idem) et il lui foutait la paix avec Platon, Einstein et Cie (idem).
Soudain, la jeune fille se retourna à l'appel de son nom. Elle plissa les yeux et sauta aussitôt sur ses pieds. Strictwise, à son tour, émergea de son tas de neige et grogna, alerté.

- C'est notre ami "Ray" ou je rêve ?
- Tu rêves je cauchemarde.
- Génial ! Exactement le genre de "petit camarade" avec qui j'avais envie d'avoir une discussion.

La brune se dirigea d'un pas trottinant en direction des deux hommes qui se trouvaient à quelques dizaines de mètres de là. Le daemon suivit immédiatement, tentant de retenir sa moitié, déjà un peu trop enthousiaste à son goût.

- Il était question d'une discussion raisonnable.
- Les fous ne se comprennent pas entre eux.

Le renard n'eut pas le temps de relever que la jeune fille avait déjà accosté le Romain et exécutait une révérence parfaite devant lui.

- Empereur.

Sa moitié s'approcha prudemment, entre haine et panique, et fit claquer ses mâchoires d'une façon qui se voulait agressive mais où son hésitation était trop facilement perceptible.
Léola se tourna vers Claude, ravie.

- Et vous, c'est le... sous-fifre ? Non, on ne dit plus ça. Un autre empereur... ? Un autre psychopathe ? s'exclama-t-elle, enchantée.

Elle lui tendit joyeusement la main.

- Je m'appelle Léola Velvethone. J'ai déjà croisé Tibère une fois, ici pas loin. Mais bon, de toute façon, ce n'est pas le genre de personnes qu'on rate facilement.

Elle sourit et reprit.

- Notre dernier dialogue a été déplorable, en raison d'ondes... parasites, mais bon, j'suis super contente de te revoir !

Strictwise voulut répondre d'une de ses répliques acides, mais la jeune fille lui envoya un coup de pied dans les côtes et les ondes parasites la bouclèrent.

- Alors, quelles sont les nouvelles du palais ? Je me suis rendue compte à mon arrivée que je n'étais pas au courant de la moitié des événements qui se déroulent ici. Ca fait bizarre de ne plus savoir jusqu'à la marque de savon de son voisin. En admettant qu'il utilise du savon.

Elle marqua une pause, méditant la question, et reprit, les sourcils froncés.

- Tu ne sortais pas avec Zofia, au printemps ? Il me semble que c'était le ragot du moment, quand je me suis barrée.

Elle aurait pu songer à cette merveilleuse ressource humaine et sociale qu'était le tact, mais son emploi lors d'une discussion avec Tibère Acciario lui semblait assez incongru.
Strictwise tressaillit au dernier mot qu'elle avait employé et eut un faux sourire d'excuse envers les deux Italiens.

- Pardonnez-moi, messieurs, je devrais relever, pour ce vocabulaire laissant quelque peu à désirer, mais je m'abstiendrai. Ma foi, je l'aurais sans doute fait si nous avions été en compagnie distinguée, ce qui n'est pas tout à fait le cas actuellement.

Le renard eut un rictus haineux pour Mahalalel qu'il avait jusque là soigneusement ignorée.

Tibère riait encore quand Léola s’approcha et la révérence de la jeune fille ne l’aida pas à se calmer. Claude arborait également un petit sourire, d’ores et déjà charmé par son air naturel. Seule Mahalalel restait sur ses gardes, alertée par la mauvaise grâce manifeste du daemon renard.
Le sourire de Claude faiblit à l’utilisation du mot « sous-fifre », mais il se reprit et serra gentiment la main de la jeune femme, précisant d’une voix amusée :

« Claude Valhubert. Empereur romain de mon état, ami de toujours de Tibère et surtout pas sous-fifre. »

Les deux italiens éclatèrent de rire en même temps. Tibère était absolument ravi, il avait beaucoup apprécié Léola (mais un peu moins son daemon), et Claude ressentait la même chose. Il semblait que la jeune fille et lui étaient voués à s’entendre à merveille.
La seule chose qui l’étonna un peu fut le coup que donna Léola à son daemon, mais comme le romain n’avait pas révélé le sien et n’y connaissait rien, il se dit que c’était peut-être normal, un jeu entre eux, ou une dispute réelle qui se réglait à leur façon. Tibère, lui, aurait pu lui expliquer que non, ce n’était pas normal, mais il faut dire qu’il avait une vision étrange de la normalité. Sa seule réaction fut donc de décocher un sourire féroce au renard, presque moqueur. Mahalalel, par contre, surmonta sa méfiance et s’approcha de l’animal à la fourrure blanche pour manifester son soutien.

Par contre, l’expression de Tibère changea du tout au tout quand Léola parla de Zofia. Il pâlit un peu, serra les mâchoires et répondit d’une voix sourde.

« On n’est plus ensemble. Et avant que tu ne l’entendes de la bouche de quelqu’un d’autre, je l’ai lâché en route parce qu’elle était enceinte de moi et que j’ai eu peur. Penses-en ce que tu veux. »

Après tout, il ne pouvait rien dire, il savait bien qu’il était en tort et que c’était dégueulasse d’avoir fait ça. Claude, d’ailleurs, lui jeta un regard en coin et ne releva pas. Il ne jugeait pas son ami mais, ouais, il pensait aussi que c’était dégueulasse.

Heureusement, le dialogue reprit vite grâce à Strictwise qui lança une pique ironique, faisant rire Tibère. Mahalalel, de son côté, recula en montrant les crocs, piquée au vif par le comportement gratuitement agressif du renard. Et dire qu’elle avait voulu le soutenir !
C’est Claude qui répondit, d’une voix calme :

« Allons. Un peu de liberté de ton, ça ne fait de mal à personne. Tu m’as l’air un peu trop fermé, non ? »

Il tira lentement sur sa cigarette et fit un clin d’œil à la blonde.

« Pourtant, tu es le compagnon d’une jeune fille charmante et plutôt… intéressante. »

Tibère résuma rapidement la situation avec Zofia, visiblement amer. La jeune fille sourit légèrement, navrée d'être incapable de se soumettre aux lois de la compassion féminine en se mettant à la place de l'apothicaire. Elle, un enfant ? ("Ca se tient dans quel sens ?")
La jeune fille se demandait bien ce qu'elle en pensait.

- À mon avis... t'as dû mal le vivre, conclut-elle triomphalement. Les rares fois où j'ai croisé Zofia, j'ai décidé que je la mettrais en colère le jour où j'aurais envie de modifier la morphologie du paysage Sywhaîdien.

Elle eut un petit rire puis abandonna aussitôt le sujet dont elle savait maintenant qu'il n'avait plus à être abordé en compagnie de Tibère. Léola jeta un coup d'oeil distrait à son daemon qui émettait des grognements dégoûtés en direction de l'inhumain personnage et lui fit un signe agacé signifiant qu'il était tenu de faire de même.
Claude s'adressa au daemon, lui reprochant d'être un peu trop... fermé, et la jeune fille lui adressa un regard reconnaissant. Le renard ricana.

- Non, irrémédiablement hermétique.

Le deuxième empereur - encore un ? mais qu'est-ce que c'est que cette hiérarchie italienne ? - reprit et Léola lui jeta un coup d'oeil intéressé, avant d'éclater de rire. Tibère lui avait déjà lancé quelques compliments de ce genre et elle ne l'avait pris guère au sérieux (Strictwise ayant tenté de la convaincre que c'était dans l'unique but de la violer et de l'emmener dans une caravane au fond des bois).
L'étudiante feignit une légère indignation et s'écria joyeusement :

- Oh, comme vous y allez ! La dernière fois que Tibère a décrété que j'étais charmante, il a failli avoir un renard polaire greffé à la jambe.

Léola s'approcha de Claude et étudia minutieusement ses traits, sans le reconnaître. Elle était sûre de ne l'avoir croisé nulle part dans Sywhaîd. Parfait, les nouvelles têtes. Surtout que celle-ci n'était vraiment pas mal. Le renard grogna une nouvelle fois, fixant d'un air mauvais la fumée qui s'échappait de la cigarette.

*Strict', tu es un abruti fini. Avec la diabolisation du tabac, je crois que tu as gagné le titre d'imbécile conservateur.*

*Conservateur, oui. De tes poumons. Tu n'as pas envie de les garder ?*

La jeune fille eut un sourire amusé et se tourna à nouveau vers Claude.

- Il vous déteste, vous avez gagné ma sympathie dans un temps record !

Strictwise afficha une moue vexée, se sentant de plus en plus seul, encerclé par ces quatre individus dont plusieurs ne lui voulaient pas que du bien. Au premier grognement de Mahalalel, il opta aussitôt pour une expression un peu plus humble. Quand il se battait, c'était le plus souvent contre l'incompréhensibilité de certains principes métaphysiques.
Léola poursuivit la conversation, indifférente.

- Le meilleur ami de Tibère... Votre réputation tient le coup ? s'enquit-elle gentiment. Est-ce que c'est pour lui que vous êtes venu à Sywhaîd ?

Elle avisa le prolongement de la rive du Loch avant de s'adresser aux deux amis.

- Une ballade, ça vous tente ? On peut vous accompagner ? Vu comme on est partis, j'pense qu'on en a pour un moment.

Tibère éclata plusieurs fois de rire en écoutant Léola, mais recula d’un pas quand elle s’approcha de Claude. Instinctivement. Un peu comme s’il voulait laisser son ami réagir comme il voulait, sans se mettre entre eux deux. Ils fonctionnaient comme ça depuis qu’ils avaient l’âge de ramener des filles dans leur chambre : liberté totale, aucun jugement et surtout, chacun se débrouille. Seul Claude avait un peu dérogé à la règle en conseillant Zofia sur Tibère, mais après tout, c’était pour la bonne cause…
Claude rit légèrement quand Léola parla de son daemon qui le détestait. Il posa un regard moqueur sur le renard et, provocateur, lâcha la fumée de sa cigarette dans sa direction, tirant dessus dans un geste ampoulé.

« C’est un plaisir. J’ai une légère tendance à ne pas tellement plaire aux personnalités… peureuses… »

Dans un éclat de rire, il se tourna vers Tibère et lui fit un clin d’œil en lançant en italien : « Vraiment charmante, tu sais ? » Tibère hocha la tête, les yeux brillants, et rit à son tour. Il était d’accord.
Mahalalel, elle, ne quittait pas Strictwise des yeux. Elle avait bien vu son changement d’attitude dès qu’elle avait commencé à être un peu agressive et comptait bien jouer là-dessus. Dominant l’autre grâce à ses longues pattes, elle s’avança un peu, grognant de plus belle et émis une sorte de jappement qui ressemblait à un rire fou.

« Bien sûr qu’elle tient le coup. Qu’est-ce que vous avez tous avec Thibaud ? Il n’est pas si terrible…»

Tibère fut pris d’une crise de fou rire complètement hystérique et Claude reprit d’un air penaud :

« Ok. Il est un peu barré, mais je l’aime. »

Sans prévenir, son expression se modifia, devint plus sérieuse. Ses yeux brillaient à travers la fumée de sa cigarette tandis qu’il continuait, cette fois sans aucune trace de rire dans la voix :

« Tibère est mon ami, et si pour ça tout le monde doit me détester, hé bien, je suis prêt à courir le risque. »

L’autre italien arrêta soudain de rire et posa une main reconnaissante sur l’épaule de Claude qui sourit doucement. A les voir comme ça, aucun doute ne pouvait subsister : c’était une amitié, un amour rare qui les unissait. Le genre d’amour sans condition, sans retour en arrière, énorme et incontrôlable.

« Ouais, il est venu pour moi. Tant que Claude et moi, on sera sur la même terre et libres, on sera ensemble. »

Claude fixa son regard sur le daemon de Léola et expliqua d’une voix lente, purement provocateur.

« Il dit « libre » parce que j’ai passé les derniers mois en prison. Tu comprends, une sale histoire de trafic et de meurtre… »

Tout en parlant, il s’était avancé vers la jeune femme et lui prit le bras, l’entraînant avec un gentil sourire. Tibère vint se placer de l’autre côté, encadrant Léola mais sans lui prendre le bras.

« Une ballade ? Avec joie ! »

Lorsque la langue italienne fusa, Léola fronça les sourcils, se demandant - à voir la tête des deux garçons - si on ne se fichait pas un peu d'elle. Mais comme un paranoïaque, ça suffisait dans un couple, elle éclata d'un rire enfantin.

- Si je me préoccupais des réputations, je commencerais par la mienne ! J'ai parfois des allures d'extraterrestres, selon certains.

Son regard appuyé n'innocenta nullement le cher Strictwise, qui ne se sentait toujours pas d'affinité particulière pour Claude depuis que celui-ci l'avait qualifié de peureux.
La jeune fille sourit : entre "un peu barré" et "complètement malade", ce n'était qu'une question de nuances. Ou d'impression. Pour le peu de fois qu'elle avait rencontré Tibère, elle l'appréciait, notamment pour son légendaire rire légèrement inquiétant qui ne manquait jamais d'angoisser son daemon (il avait fini par élaborer une théorie prouvant que le Romain n'était pas humain mais une espèce de créature inconnue, hystérique et particulièrement dangereuse).

- Je ne déteste aucun de vous deux. Ma tendance à moi c'est d'être fascinée par les personnalités provocatrices et... un peu barrées, disons-le, fit-elle en souriant à Claude. Alors vous voyez, je suis plutôt bien tombée.

*Chacun sa vision des choses...* maugréa Strictwise.

Soudain, au mot de "meurtre", il émit un jappement craintif, cracha et recula de quelques mètres (bénissant au passage les exercices ayant élargi leur Corde d'Argent). L'étudiante eut un petit rire moqueur et, tandis que Claude prenait son bras, elle ne lui cacha pas l'intérêt qu'elle avait pour cette aperçu de casier judiciaire. Adoptant un ton badin, elle s'exclama :

- La vie d'un empereur romain est sanglante à souhait, à ce que j'entends ! Meurtre et trafic, quel CV. Est-ce que vous avez déjà tué des femmes, monsieur ? Je me suis toujours dit que ça doit être insupportable. Les cris, je veux dire, précisa-t-elle avec un sourire malicieux.

Les doigts fins de la jeune fille se refermèrent innocemment sur ceux de Claude. Elle était aux anges en pareille compagnie, raffolant de plus en plus de tout ce qui ressemblait à une "mauvaise fréquentation". Aux yeux de son daemon, s'entend.
Elle jeta un regard curieux au compagnon de Tibère avant de se détourner rapidement.

- Oh là là, je vais finir pas avoir l'air vraiment bizarre en racontant des trucs pareils, non ? Tibère, dis-moi si j'ai l'air bizarre.

Ne semblant pas considérer le Romain comme une référence, Strictwise eut un rire sarcastique. La jeune fille poursuivit gaiement :

- Vous allez aux fêtes d'hiver ? Il y en a un paquet ! Mais bon, tu n'es pas le dernier des fêtards, parait-il ?

Elle adressa un sourire malicieux à Tibère, ayant eu vent, comme tout le monde, de ses exploits festifs. Cependant, Léola n'avait jamais participé à un événement de ce genre, à Sywhaîd. Soit trop fatiguée de son étude nocturne, soit à cause du refus de Strict'.
Elle posa sa tête sur l'épaule de Claude, presque distraitement. Le renard ne loupa pas cet écart de conduite et lui fit savoir mentalement ce qu'il en pensait.

*Jeune fille, sachez que le flirt peut mener à de graves conséquences.*

*Je n'en doute pas, mais là, ça me vient naturellement, Dieu me pardonne. Mon âme est perdue.*

Claude eut un sourire modeste et s’inclina légèrement devant Léola quand elle avoua être fascinée par les personnalités provocatrices et barrées, et les inclut dans le lot. Ils avaient l’habitude d’y être, dans ce lot, mais cela faisait toujours autant plaisir aux italiens. David, un soir de beuverie sévère, s’était lancé dans une théorie débitée d’une voix de poivrot, disant qu’ils étaient « une erreur dans le système ». C’était devenu une blague entre eux, et Tibère ne se priva pas de déclarer avec un grand sérieux : « On est des erreurs dans le système de la société, ma belle. Des virus. » Ce qui eut pour effet de déclencher un fou rire entre les deux garçons.
Ils se mirent ensuite à marcher, et Tibère lâcha un ricanement à l’évocation du « CV des empereurs. » Elle n’avait pas tort, ils avaient eu une vie mouvementée, c’était le moins que l’on puisse dire.
Claude, aussi malicieux que Léola, prit le même ton qu’elle pour répondre :

« Voyons, mademoiselle. Jamais je ne porterais la main sur une femme. Ce sont mes sous-fifres qui s’en chargent. »

Son sourire vacilla, prit un air de ressemblance avec le rictus méchant de Tibère.

« Je ne m’attaque personnellement qu’aux hommes. Mais tu sais, quand ils crient, ils ont la même voix. »

Les doigts de Léola sur les siens. Claude profita du regard rapide que lui lança Léola pour lui faire son plus beau sourire, le sourire pour les jolies filles, sérieux, sensible, profond, etc.
Tibère eut un long rire à la question de Léola et répliqua :

« Tu es bizarre, c’est pour ça qu’on t’aime ! »

Claude caressa doucement la main de la jeune fille et sourit :

« Exactement. J’préfère largement les filles bizarres aux filles banales. »

Lui et son meilleur ami s’animèrent soudain à la mention des fêtes de l’hiver.

« Bien sûr qu’on y va ! En plus, j’ai manqué le banquet de l’automne, j’ai bien l’intention de me rattraper ! »
« Et moi, de commencer ! C’est important : ne jamais louper la première fête du lieu où on vit. »

Tibère se calma aussi soudainement qu’il s’était emballé en voyant le mouvement de la blonde qui posait sa tête sur l’épaule de Claude. Apparemment, il allait être temps de mettre en application leur règle numéro 1 à propos des filles : on ne se gêne pas entre empereurs.
Avec un rire un peu moqueur, il fit un salut de la main à Claude et lança tout en s’éloignant : « J’ai des trucs à faire en cuisine, j’ai bien l’intention de vous épater tous les deux ! » Mahalalel claqua des mâchoires vers Strictwise et rejoignit sa moitié en trottinant.

Sans raison apparente, Claude éclata de rire et salua Tibère sans faire un geste pour le retenir. Ils continuèrent de marcher lentement et il pencha doucement la tête vers Léola en murmurant :

« On dirait bien que ce soir on va devoir dîner ensemble pour satisfaire Tibère… Il va vouloir notre avis et quoi de mieux pour ça que de partager le repas ? »

Provocateur, il jeta un regard au daemon renard, quasiment certain que ce qu’il allait faire lui déplairait, et passa la main dans les longs cheveux de la jeune femme, sourire aux lèvres.

Léola sourit sans retenue : Claude la soufflait. Elle avait beau être aussi légère qu'à l'habitude, elle ne pouvait s'empêcher d'être surprise à chacune de ses phrases, épatée par son attitude fascinante.
Au mot de "sous-fifres", la jeune fille eut une grimace d'excuses, avant d'éclater de rire. Elle se demandait si le fait de ne s'attaquer qu'aux hommes impliquait ou non les daemons.
Léola apprécia d'un signe de tête ravi les compliments des deux amis, avant de comprendre que Tibère allait leur faire l'honneur de la table.

*Euh, je me demande à quoi on doit s'attendre de ce côté...*

*Tu es en train de me demander si je compte me retrouver au milieu de la table avec une pomme entre les dents ? Non.*

Strictwise, furieux d'avoir raté son coup en tentant de mordre Mahalalel en retour de sa provocation, osa se rapprocher de manière à mieux surveiller les faits et gestes de sa moitié.
Claude murmura doucement et l'étudiante lui sourit une nouvelle fois, ignorant superbement son daemon qui exécutait de petits bonds énervés autour des deux marcheurs. La jeune fille s'exclama, enthousiaste :

- Super ! J'échappe à une séance de révisions, enfermée entre quatre murs avec une sale bête hystérique, devant boîtes de conserve réchauffées. Je vous suis infiniment reconnaissante, conclut-elle avec une mimique enchantée.

Le renard polaire grogna avant de reprendre ses sautillements frénétiques. Léola expliqua avec une petite expression moqueuse :

- Strict' a peur de finir sa pauvre existence au milieu du persil. Mais je suppose que Tibère prévoit de la meilleure viande que ça, ajouta-t-elle en riant.

Ils ralentirent et finirent par s'arrêter. Le daemon reçut de plein fouet le regard provocateur de Claude, voulut réagir et s'étrangla à moitié quand ses doigts plongèrent dans la sacrosainte chevelure châtain de Léola. Celle-ci, souffle coupé, voulut relancer la conversation d'une phrase innocente avant de s'apercevoir qu'elle n'y parvenait pas. Elle entrouvrit la bouche, la referma et finit par esquisser un sourire presque timide.

*Léola, je t'accorde un cinquième de seconde pour lui administrer une gifle magistrale !*

La brune eut un petit rire amusé et approcha sa bouche de l'oreille de Claude, précisant dans un murmure :

- Strict' et moi sommes d'avis différents. Il opte pour la gifle, mais vous m'avez mis autre chose en tête, j'en suis navrée. Quel est votre avis ?

Elle fit mine de frôler par maladresse la joue de l'Italien, soulignant son innocent sous-entendu.

« Allons ! Des révisions et des boîtes de conserve ? Mais c’est le meilleur moyen pour pousser n’importe quoi à la dépression ! »

Claude adressa un sourire narquois au daemon de Léola et lui fit un clin d’œil malicieux. Il ne comprenait même pas comment le renard pouvait imposer des choses pareilles à sa moitié. Un daemon, pour lui, ce n’était pas un parent, ni un prof. C’était un compagnon…
Mais il ne dit rien de tout cela, observant la moue moqueuse de la jeune femme. Mignonne. Vraiment.

« De la viande un peu plus tendre et un peu moins sèche, ouais. »

Il éclata de rire, nonchalant, faisant mine de ne pas remarquer que sa compagne ralentissait le pas en douce. Laisser venir… Et puis, il n’avait pas envie d’imposer quoi que ce soit. Ce genre de choses, s’imposer et forcer les choses, il le faisait à Rome avec ces filles insignifiantes qu’il avait appris à reconnaître en un coup d’œil. Mais… il savait aussi reconnaître celles qui valaient la peine qu’on s’y intéresse, et Léola lui semblait bien faire partie de cette catégorie… si au moins il était possible de la classer quelque part, ce dont il doutait un peu.
Cependant, tout cela ne l’empêcha de répondre au sourire timide de la brune par un regard serein destiné à la mettre en confiance.
Il frissonna légèrement quand Léola s’approcha de lui et ne put se retenir de poser doucement la main dans son dos.

« Tu sais, j’ai un peu de mal à être de l’avis de ton daemon… »

Une nouvelle fois, il caressa la tête de la brune, mais sans bouger, la gardant contre sa joue. Il hésitait. C’était un peu rapide et pour une fois, il voulait prendre son temps… même si de son côté, la décision était déjà prise, il avait la ferme intention de l’embrasser et… bon, qu’est-ce qui était le mieux ? Attendre ou répon…
Trop tard. La réponse était… tout de suite. Avant même d’avoir fini sa réflexion qui était, il est vrai, un peu troublée, il posa ses lèvres sur celles de Léola, doucement. Savoura l’instant puis recula mais sans la lâcher.

« Tu m’as l’air bien libérée, jeune fille. Flirter comme ça avec un garçon comme moi… »

Il éclata de rire et ajouta d’un ton faussement effrayé :

« Que va dire ton père ? »

Cette fois, c’est sur Strictwise que se porta son attention :

« Ha mais non, j’oubliais, c’est pas ton père… c’est ton daemon. »

Léola avait eu beau entrevoir le geste, elle fut totalement prise de court lorsque Claude l'embrassa, d'une manière dénuée de provocation. Tout son corps tressaillit sous le coup de la surprise et de l'envie.
Fermant les paupières, la jeune fille esquissa un demi-sourire en songeant à quel point sa réaction devait sembler infantile vis-à-vis de la maîtrise impériale : Claude en avait vu d'autres, semblait-il.
Elle ramena à elle la main qu'elle avait glissé dans le bas de son dos et inspecta rapidement sa montre.

- Ca fait onze minutes et vingt secondes à peu près que je vous ai adressé la parole pour la première fois. Je vais essayer de tenir le rythme, ajouta-t-elle, affectant l'embarras.

Le renard, visiblement déçu, maugréa :

- Misère, elle retrouve la parole.

Furieux, il jappait et crachait sans arrêt, méditant le rapport d'attentat à la pudeur qu'il enverrait dans l'heure au Vatican. Lorsque l'infâme individu qui venait de corrompre l'honneur de sa moitié (et la moitié de son honneur) osa une nouvelle raillerie, il eut droit à un regard noir qui ne sembla pas l'affecter le moins du monde.
Léola éclata de rire et voulut tenter une réplique du genre "Mon père y va venir t'éclater la gueule, tu vas voir" avant de de se rappeler que, ça c'est ballot, son père il l'avait abandonnée à l'âge de deux ans.
À la remarque sur Strictwise, son sourire se figea légèrement. Le daemon, ravi à son tour, lança d'un ton narquois :

- Félicitations, jeune homme, une gaffe à votre actif. J'espère qu'il y en aura d'autres aussi belles que celle-ci.

La jeune fille leva les yeux au ciel, vaguement amusée, avant de rectifier à l'intention de l'Italien.

- N'importe quoi. On est juste encore plus bizarres qu'on en a l'air, fit-elle en riant. Là, comme ça, on nous installerait bien dans le balcon du Muppet Show à la place des deux petits vieux qui se tapent dessus, mais en fait, y a un petit problème, on va dire. Il paraît que c'est du sérieux, souffla-t-elle, faussement crâneuse.

Le renard se renfrogna, mécontent, et ragea mentalement.

*Oh, parfait, Léola, tu peux lui envoyer un rapport médical, aussi.*

*Ne te plains pas, avec un peu de chance, il nous fuira comme la peste une fois qu'il aura capté qu'on a un problème psycho-magique*, ironisa la jeune fille.

À cette perspective, le daemon afficha une mine réjouie et vint se planter aux côtés de sa moitié qui précisa gaiement :

- Mais rassurez-vous, il ne dira rien. Il est ravi.

Les grognements hargneux du sympathique animal le démontraient. Strictwise avait résolu d'engager discrètement un tueur à gages pas trop cher, quand Léola sourit distraitement et entreprit d'être honnête :

- En fait je, hm... Je suis têtue. La perfection me tape sur les nerfs, j'aime mettre des pulls trop larges et j'ai l'air de rien comme ça mais je peux parfois devenir brutale de façon très rapide. Et je suis affublée d'un renard blanc paternaliste qui me colle tout le temps. Alors vous êtes sûr de ce que vous faites ?

Son expression se teinta d'amusement tandis que Strictwise orientait ses voeux vers le ciel, se vouant au Saint Patron des renards paternalistes pour que ce trafiquant assassin réponde non et retourne crever sous le soleil d'Italie.

Claude eut un petit rire en entendant Léola lui donner exactement le temps depuis lequel ils se parlaient. En effet, ça faisait peu. Enfin, il y avait pire…

« Allons, tu as de la chance, il y a des filles avec qui je n’ai même pas eu le temps d’échanger un bonjour avant de… Enfin bref, tu me diras, c’est ça l’ambiance orgies impériales ! »

Il rit de nouveau, mais arrêta rapidement en voyant le sourire de la jeune femme faiblir. Oups, gaffe, bah bravo. Le daemon renard ne se priva d’ailleurs pas de la lui faire remarquer, s’attirant un regard noir. Un vrai regard noir et furieux, du style « toi, arrêtes un peu de faire le malin ».
Mais, histoire de se rattraper, il sourit gentiment à Léola et l’embrassa une nouvelle fois tandis que Strictwise approchait pour se placer aux côtés de sa moitié en grondant.

« Je vois bien qu’il est ravi, ça me fait plaisir de sentir autant de bienveillance, tu sais ? »

Il écouta avec un demi-sourire ironique la tirade de la jeune femme, la tête penchée vers elle. Pendant quelques secondes après qu’elle eut fini, il l’observa, l’air très sérieux, et finit par dire d’une voix amusée :

« Têtue ? Très bien. Moi, je ne supporte pas qu’on essaye de m’imposer quoi que ce soit. De plus, je me permets de te faire remarquer que je suis très loin de la perfection et que je n’ai pas peur de… la brutalité. La seule chose qui pourrait me troubler un peu, c’est la présence de monsieur le renard, et encore. Je suis sûr qu’il existe des somnifères assez puissants… »

Il éclata de rire mais arrêta très rapidement, reprenant son sérieux à une vitesse étonnante. Sans prévenir et d’ailleurs sans se soucier de quoi que ce soit, il se pencha encore une fois vers la jeune femme pour l’embrasser avec le plus de douceur possible.

« Si je sais ce que je fais ? Allons, bien sûr que non. Mais en tout cas, je suis sûr d’avoir envie de le faire. Allons-y en aveugle ! C’est ça qui est bon ! »

Il posa un court instant la main sur le crâne de Léola et lui caressa les cheveux en souriant. Il n’allait pas dire qu’il était tombé amoureux, il ne croyait pas au coup de foudre et n’était même pas sûr de croire en l’existence de l’amour. Après tout, il venait juste de voir Tibère, dont il était persuadé qu’il était amoureux de Zofia, la lâcher allégrement et… Enfin, ça vous enlève la confiance, ce genre de trucs.

« Qu’est-ce que t’en dis ? »

(tu peux conclure s'tu veux)

[Ok ! *Petit courbette d'usage* Merci pour ce topic ! :p]

Léola voulut expliquer qu'elle pourrait bientôt éloigner son daemon sans trop de problèmes, mais prit conscience qu'il était ridicule de se livrer à ce point à un presque inconnu au sujet de sa Corde d'Argent. De plus, le travail était en route, mais ne cessait d'apporter des résultats pour le moins déconcertants. Passons.
L'Italien l'embrassa à nouveau et elle se contenta de sourire, n'osant pas lui répondre. Elle avait déjà oublié comment elle avait pu faire preuve d'audace quelques minutes auparavant. L'étudiante considéra Claude d'un air curieux, se demandant comment sa spontanéité naturelle avait pu la pousser à lui sauter dans les bras alors que 1) elle ne le connaissait pas et que 2) elle était censée se concentrer uniquement sur son évolution en Majeure.

*À ce stade, ça ne s'appelle même plus de la spontanéité, jeune fille. C'est une profession et ça porte un nom.*

Elle se tourna vers le daemon et lui adressa un sourire narquois.

*Je suis assez de son avis en ce qui concerne les somnifères. On peut même prendre en compte l'option de la matraque, du pied-de-biche, du poteau de guerre, de la...*

*Très bien !! Mais ne compte pas sur moi pour me poster devant ta porte avec un panneau Fornication Under The Consentement of the King.*

La jeune fille eut un petit rire amusé en songeant au ridicule de la scène : jamais Strictwise ne se laisserait persuader de quitter une pièce si elle-même s'y trouvait en compagnie d'un représentant de la gent masculine, à moins d'user d'arguments très persuasifs. Genre, euh, oui, les somnifères.
Claude tomba sur les mots "en aveugle", et l'étudiante considéra que c'était bien la façon dont elle avançait en ce moment, si on résumait la situation. Elle ne le connaissait pas mais elle avait envie de s'y mettre.
Où était le mal ? Un peu partout, selon Strict', qui oubliait d'un coup ses sermons de socialisation (bizarre, ça).

- J'en dis...

La jeune fille fronça les sourcils et, en un éclair, son daemon put identifier sur son visage l'expression qui indiquait qu'elle allait complètement quitter le fil de la conversation pour sortir le premier truc qui lui passait par la tête.

- J'ai faim !

Soudain très enthousiaste, elle commença à revenir sur leurs pas, se dirigeant vers les bâtiments de Sywhaîd pour découvrir si, oui ou non, Tibère considérait une cuisine comme un champ de bataille nucléaire.

- On y va ?