[MP] Stage A : Un sapin magique

La neige qui était tombée dans la cour durant la nuit avait été déblayée, et à voir la pelle qui se trouvait encore posée dans un coin, on pouvait rapidement comprendre que le responsable était Skyler. Ce dernier était d’ailleurs reconnaissant à ceux qui s’étaient livré à cet exercice avant lui, il n’avait pas eu à trop peiner pour dégager l’espace dans lequel allait se dérouler son stage festif.

Sur la margelle de pierre de la fontaine, il avait posé quelques thermos contenant des boissons chaudes, des tasses, et une grande assiette de chiacchiere, de croustillants biscuits frits italiens qu’il avait préparés lui-même dans la matinée. Il avait aussi amené une boîte plein d’un bric-à-brac pas encore très décoratif, mais qui pourrait servir de base aux réalisations des participants, et surtout un magnifique sapin, 100% made in Sywhaîd, gracieusement fourni par Anton. Il y avait aussi, soigneusement posté à l’écart du sapin, un brasero dans lequel brûlait joyeusement un feu de tourbe, et qui permettrait aux participants de trouver un peu de chaleur dans cette cours glaciale.

Skyler se tenait donc au milieu de tout ça, dans son éternel costume rayé (le bleu foncé aujourd’hui). Il ne semblait pas souffrir du froid, mais c’était seulement dû au fait qu’il portait autour du cou un médaillon lui permettant de réguler sa température corporelle – et qu’il avait ramené du Cachemire suite à une histoire assez invraisemblable impliquant un jeune dragon, mais là n’est pas notre sujet. Il laissa le temps aux inscrits d’arriver, et de se servir à boire et à manger, lui-même le nez plongé avec délices dans le parfum d’un thé chinois fumé provenant de sa réserve personnelle – le thermos tout à droite pour ceux qui seraient intéressés. Une fois tout le monde arrivé et servi – ils n’étaient de toute façon pas très nombreux – il lança :

"Bien, on a un sapin, on a du matos en cas d’besoin, il manque plus que des idées ! Je vous écoute !"

[Le stage A c'est par ici et c'est parti !
Vous avez jusqu'au 18 janvier pour lancer vos idées, après on attaquera le concret ^^]

« Des bonbons ! Moi j’aime quand y a des bonbons dans les sapins, c’est joli et puis on peut les manger ! »

La petite voix aigue de Connor était complètement saturée par l’excitation. Son daemon voletait d’ailleurs autour de lui, sous la forme d’un gros scarabée bourdonnant, et semblait à la limite de la crise d’apoplexie. Pour la première fois de sa vie, le petit garçon participait à un cours ! Comme un grand ! Autant dire que sa pauvre maman avait eu bien du mal à le calmer durant les heures qui avaient précédé le stage. Pour la première fois de sa courte vie, le petit garçon n’avait pas bronché à accumuler les couches de vêtements que Marybeth lui collait en hiver (elle était plutôt contre l’utilisation de la magie sur les enfants, surtout dans un lieu aussi chargé en magie que Sywhaîd) et il n’avait même pas râlé quand elle lui avait collé son bonnet rouge sur la tête, sa grosse doudoune par-dessus sa salopette en jean (doublée en fourrure) et ses grosses moufles oranges. Les vêtements de Connor avaient beau être, pour la plupart, de la récupération, ils étaient toujours en meilleur état que ceux de sa mère, qui ne voulait pas que son fils ait l’impression d’être moins à l’aise à ce niveau là que ses petits camarades, même si à Sywhaîd les enfants étaient souvent habillés un peu n’importe comment.

Le petit garçon avait un gateau (le quatrième qu’il engouffrait depuis qu’il était arrivé avec sa jeune mère) dans la main et avait rendu à sa mère sa tasse, encore à moitié pleine de chocolat chaud fumant. Marybeth, habillée d’un jean trop large et de plusieurs pulls, ainsi que d’un gros bonnet bleu foncé dont dépassaient des mèches blondes mal démêlées, tenait donc sa tasse de thé et la tasse de son fils, et souriait d’un air amusé. Connor était très content d’être là, ça ne serait sûrement pas facile de contenir l’énergie du petit garçon de trois ans bien longtemps. Surtout pas après les six mois qu’il avait passés à faire des bêtises avec le fils de Rozen. Mais Mary avait de l’autorité et elle ne s’inquiétait pas trop. Elle rappela d’ailleurs son fils, qui s’était mis à tourner autour du sapin d’un air inspiré (elle préférait ne pas savoir à quoi était dû cet air) et le força à se tenir un peu plus calmement à côté d’elle. Le daemon du gamin se transforma alors en oiseau et tira sur la corde pour retourner près du sapin, jusqu’à ce que Mary le rappelle à l’ordre. Tout ça était plus facile à l’époque où Nios voulait bien rester près d’elle mais les choses avaient changées… Le daemon revint et se mit à picorer dans les gâteaux que Connor venait de reprendre, cinq. L’américaine soupira, tout de même amusée, et ajouta :

« Du givre éternel… C’est très joli sur les sapins… Et des décorations colorées, qui brillent… »

Elle n’avait pas d’idée particulière, à vrai dire elle n’était pas très douée en décoration et la décoration de sa chambre, et de celle des garçons, faite avec Fred, Connor et Mathys quelques jours plus tôt, lui avait pompé toute son énergie créatrice. Mais Connor était fou des fêtes et elle voulait qu’il puisse s’amuser le mieux possible, voilà pourquoi ils étaient ici… Ah les sacrifices d’une mère !

« Oh ouiii ! Des bonbons, ce seraient génial ! De longues guirlandes de guimauves… Hmmm, ce s’rait un régal ! Pour les yeux, bien sûr. Oh et puis pourquoi pas des sucres d’orge et des boules en chocolat noir et en chocolat blanc ? On pourrait les accrocher aux branches. Et puis, ça ferait sûrement très joli avec le givre éternel ! »

Un immense sourire, empli d’enthousiasme et de gourmandise, servit de point final à l’exclamation d’Elizabeth. Son excitation était à peine plus mesurée que celle du petit Connor, même si personne ne pouvait ignorer qu’elle avait quelques années ( ! ) de plus que lui. Mais en cet instant, il aurait été difficile de donner un âge à son petit visage gai et rosi par le froid. Avec son bonnet jaune vif, son écharpe du même coloris, ses gants et son manteau assortis, elle avait tout à fait l’air d’une enfant, impression renforcée par ses bottes en caoutchouc écarlate et les étoiles qui brillaient dans ses yeux. Elle adressa d’ailleurs un regard complice au jeune garçon avant de se replonger avec délices dans sa tasse de chocolat chaud.

Pour Lizzie, Noël avait toujours été synonyme d’euphorie et d’effervescence. Dans sa famille, c’était l’une des seules traditions à laquelle on était réellement attaché. Chaque année, Patrick Dinsmore choisissait un sapin, qu’on installait chez Frédérique, et que toute la famille décorait dans la bonne humeur et le désordre propres aux Dinsmore-Bricourt. Très souvent, le résultat final était coloré, décousu, chargé et n’avait absolument rien à voir avec les sapins décorés des grands magasins, dont la sobriété, selon Lizzie, était une véritable offense au caractère festif de Noël.

C’était parce que sa décision de ne pas retourner à la Nouvelle-Orléans pour les fêtes de fin d’année lui pesait qu’Elizabeth s’était inscrite à ce stage. Elle avait besoin de sa dose annuelle d’épines de sapin et de stratégies décoratives. Au départ, elle avait craint de ne pas retrouver l’ambiance chaleureuse et détendue qu’elle retrouvait chaque année, dans le salon de sa mère, mais la présence de Connor la rassurait. Elle était presque sûre d’avoir trouvé un allié de poids dans la lutte qu’elle pensait devoir mener contre les sapins aux décorations aseptisées. Rien qu’à le voir tourner autour du sapin, elle sentait que ce petit gars devait avoir de la créativité à revendre.

Un nouveau sourire étira ses lèvres surmontées d’une fine couronne de chocolat. Même le professeur, un dénommé Skyler si elle se souvenait bien, lui inspirait confiance. Un type qui portait un costume rayé bleu foncé ne pouvait pas être de ceux qui aimaient les sapins tristounets. Reportant de nouveau son regard sur le sapin qui, d’une façon ou d’une autre, occupait ses pensées, Elizabeth eut une moue songeuse. Puis, en l’espace d’une seconde, sa moue se transforma en un sourire épanoui. Elle proposa alors, de sa voix claire et enjouée :

« On pourrait pas enfermer des flammes magiques dans des boules et faire en sorte qu’elles s’arrêtent jamais de briller ? Et ce qui serait vraiment, vraiment super, ce serait qu’elles soient multicolores ! »

Ia arriva un peu en retard dans la cour et embrassa du regard les installations et les participants déjà arrivés. Elle prit une longue inspiration et fit quelques pas en direction du petit groupe, remarquant la présence d’un enfant avec un certain malaise. Elle avait du mal avec les enfants et ils se méfiaient d’elle. Ils savaient qu’elle n’était pas totalement normale, ils le sentaient toujours. Elle n’aimait pas ça, mais bon, ce n’était plus le moment de fuir. Mal assurée, elle avança donc et saisit un petit gâteau pour donner le change.
La russe écouta parler le petit garçon et les deux femmes. Mais pourquoi s’était-elle inscrite à un stage pareil ? Un stage de décoration de sapin ! Mais quelle mouche l’avait piquée? Elle ne savait pas décorer un sapin et elle n’aimait pas Noël, c’était une mauvaise idée tout ça.

Elle soupira profondément et sembla totalement désœuvrée pendant quelques instants et, pour tout dire, pas très loin de s’enfuir en courant. Ses mains tremblaient un peu et son regard était encore plus glacé qu’à l’accoutumée.
Mais Elizabeth, bientôt, arrêta de parler, et Ia se sentit obligée de prendre le relais. Même si ça ne devait pas être vrai, elle sentait les regards de tout le monde sur elle et n’osait pas relever la tête. Les doigts serrés sur son gâteau qui finit par tomber en miettes sur le sol, elle gardait le silence, crispée.

Enfin, brutalement, elle redressa la tête et fixa ses yeux d’un bleu froid sur le sapin. Il fallait qu’elle dise quelque chose, qu’elle s’intéresse, qu’elle entre dans cette communauté. Essayant d’oublier sa voix tremblante, elle tenta, tout en se frottant les mains pour se débarrasser des miettes restantes :

« Euh… On pourrait aussi… »

Panne d’idées. Panne totale, le gros blanc.
Au prix d’un gros effort sur elle-même, Ia finit tout de même par reprendre laborieusement :

« Accrocher des cadeaux qui s’ouvriraient… quand on les touche… Avec des bonbons dedans… »

Elle tenta un sourire au petit Connor mais ne réussit à lui adresser qu’une sorte de grimace froide et abandonna.