[MP] cours III : L'entraide magique

Donan avait décidé de ne pas trop se compliquer la vie. Après tout, quoi, il n'était pas prof ! Il voulait bien dépanner le vieux IKe, mais enfin, le boulot de gérant lui prenais déjà un temps considérable. Si bien qu'il n'avait cessé de courir depuis son arrivée : à la réserve, à l'écurie, à la réserve, à la tourbière (où était passée cette fichue Brise d'Oz ?), aux cuisines, à la réserve... Il avait à peine eu le temps de s'installer. Aussi le jardin était-il toujours aussi sauvage, bien que Donan eu tenté vaguement d'en dégager un coin pour son cours, près de l'entrée, devant le perron. Il avait installé sur le sol des tapis qu'il avait tiré de la maison ("seront mieux dehors que là à prendre la poussière"), et lui-même avait prit place sur les marches, devant la porte.

Il attendait ses premiers élèves en bricolant un nouveau jouet pour Sylvia, l'air absorbé. Il n'avait absolumment pas l'air d'un prof, pas plus que d'un gérant, comme l'avait remarqué Sydney dès son arrivé. Il était assez mal rasé, portait une chemise grise dont les manches étaient retroussées, ainsi qu'un pantalon de toile noir qui avait manifestement bien vécu. Avec ses cheveux en bataille et son air absorbé, il ressemblait au petit garçon qu'il avait été, sur les mêmes marches de ce même perron.

Donan se leva à l'arrivée des premiers élèves, et leur fit signe de s'asseoir sur les tapis, au pied des marches. Il les salua très amicalement, et on aurait pu facilement le prendre lui-aussi pour un étudiant, déambulant entre les élèves avec un grand sourire qui lui plissait le coin des yeux. Lorsque les quelques étudiants qui avaient choisit son cours furent installés, Donan prit la parole :

- Salut tout le monde, désolé, c'est pas le grand confort mais on va faire avec. Moi, j'suis Donan, le... gérant. Enfin là, pour cette fois, je suis genre votre prof, alors on va essayer de faire un cours potable, et vous allez m'aider.

Il s'installa sur les marches, plissant les paupières à cause du soleil printanier.

- Bon, on va parler des systèmes d'entraides magiques. Moi j'appelle plutôt ça les jockers, enfin, dans les équipes que j'ai mené, c'est le nom qu'on leur donnait. Et croyez-moi, elles m'ont sauvé la face plus d'une fois. Il marqua une petit pause dramatique. Enfin, bref, vous savez tous comment fonctionnent les flux je suppose ? Et bien un jocker, ce n'est ni plus ni moins qu'un moyen de lier vos flux avec ceux d'une autre personne. Un peu comme le lien qui vous uni à votre daemon, si vous en avez un. C'est assez complexe et il peut y avoir des tas d'utilisations différentes.

Bien sur Donan n'allait pas leur livrer la réponse toute cuite sur un plateau. Il entendait bien qu'ils se creusent les méninges autant qu'il se les était creusé pour trouver un sujet de cours qu'il soit capable de maîtriser parfaitement.

- Vous avez des exemples ?

Il regarda son petit groupe avec un sourire, près à entendre les pires anneries possibles.

( Voila, vous pouvez décrire votre arrivée, et puis participer au cours en répondant à la question. Vous pouvez inventer bien sur, ou vous baser sur des techniques non-magiques comme le principe de la cordée en montagne justement, ou le GPS, ce genre de trucs. Vous pouvez aussi sortir les pires anneries possibles^^. Le cours se passe au début du printemps, peu après l'arrivée de Donan, tenez-en compte dans vos message. Have fun! )

Aina se demandait encore pourquoi elle avait choisi ce cours. Il serait même pas donné par le vrai prof, en plus! Non mais franchement... C'était une mauvaise idée. Un cours donné par le gérant. Et puis quoi, encore? Elle poussa un soupir et jeta sur son daemon un regard accusateur. C'était sa faute, de toute façon. C'était lui qui lui avait demandé, pardon... Lui qui l'avait forcé à le faire...

"Quoi?"
"Tu sais très bien quoi..."

Riom poussa un soupir avant de lever les yeux au ciel dans une expression très humaine. Elle avait été enthousiaste au départ de suivre ce cours, et voilà que, maintenant, elle rechignait... En plus, il ne pouvait même plus agir sur leur corde d'argent pour la pousser à y aller... Le félin poussa un nouveau soupir avant de répondre, à nouveau.

"Il va te plaire je suis sûr ce cours... Allez... Arrête de faire ta tête de mule!"
"Je suis pas une..."

Elle s'interrompit. Il avait raison, et le pire, c'était qu'elle le savait. Elle faillit se laisser aller à un nouveau soupir, mais elle le retint au dernier moment. Ils n'allaient pas converser par soupirs interposés... Finalement, l'rlandaise se leva. Elle n'avait plus qu'à y aller.

"Quand faut y aller, faut y aller..." fit-elle, presque désespérée.

Et voilà. Il avait gagné. Riom poussa un petit cri de joie dans la tête de la jeune fille et se dirigea vers la jeune fille d'un pas qui semblait dansant. Il sentait peser sur lui le regard de sa moitié et se tourna son regard vers elle tout en actionnant la poignée de la chambre avec ses dents.

"Ben quoi? Che feux y aller, moi..."

Aina éclata de rire en le voyant faire et en l'entendant parler. Le moins que l'on pouvait en dire, c'était qu'il était un peu ridicule, comme ça... Elle secoua la tête puis emboîta le pas de sa moitié pour se diriger vers la maison du gérant. Elle arriva la première, à moins qu'elle ne soit la seule à assister à ce cours? Elle en profita pour détailler le nouvel arrivant. Il était arrivé à la fin de l'hiver, mais elle n'avait guère eu le temps de lui parler jusqu'à aujourd'hui. Il devait sans doute avoir son petit succès, mais ce n'était pas important. Elle, elle avait Jack. ses pensées s'envolèrent vers lui jusqu'à ce que le cours commence.

"Comme corde d'argent? Pour certains, on est capable de l'étirer, ceux qui ont des daemon-oiseaux, ou bien ceux qui ont travaillé sur l'étirement de la corde d'argent."

Elle jeta un coup d'oeil à Riom avant de reprendre.

"Je suppose que c'est le même principe que la corde des alpinistes non-sorciers? C'est donc un lien invisible formé par les flux internes des sorciers pour les retenir les uns aux autres, je suppose..."

*Mais si c'est lié aux flux, c'est Jena qui devrait assurer le cours... Ou bien elle devrait être là.. Enfin... Je suis en majeure canalisatrice, donc, je peux peur être assurer la représentation...*

Cette idée lui arracha un sourire. Elle était, de plus, la seule représentante de la majeure canalisatrice dans ce cours.

Wren ne savait pas trop pourquoi il s’était inscrit à ce cours. En fait, il l’avait fait sur un coup de tête qui ne lui ressemblait que très peu. L’idée que les sorciers s’entraident grâce à la magie lui avait parue intéressante et il s’était dit que ça pourrait sûrement être enrichissant de découvrir comment ils le faisaient. Il s’était donc inscrit et était arrivé à l’heure, comme toujours, habillé d’un pantalon à pinces marron foncé et d’un polo bleu clair, pas vraiment un look très sywhaîdiens. Il salua d’un hochement de tête nerveux le professeur et ses camarades et s’assit là où Donan le lui proposa. Faire un cours assis sur des tapis lui semblait franchement original et très enthousiasmant mais il garda ces pensées pour lui, apparemment il n’y avait que lui pour s’en préoccuper, les sorciers avaient sûrement des habitudes très particulières à ce sujet.

Il écouta les paroles du professeur, réalisant en même temps que c’était la première fois qu’un de ses professeurs avait à peu près le même âge que lui, et s’étonnant de ce que ça n’était pas si bizarre que ça, après tout même un sorcier de douze ans aurait eu des tas de choses à lui apprendre. Il écouta donc avec attention et réalisa qu’il n’avait rien à dire. Il n’y était pas habitué. Wren Vaughn, dit Birdie, avait toujours été un bon élève, il avait toujours eu des choses à dire et les rares fois où il ne participait pas c’était pour essayer de se rendre un peu plus sympathique aux yeux de ses camarades, ce qui ne réussissait pas évidemment puisque tout le monde savait qu’il avait la réponse, ils prenaient donc ça pour de la condescendance et de toute façon n’étaient pas enclins à lui accorder leur sympathie pour quelque raison que ce soit.

Il écouta la réponse d’Aina, une superbe blonde qui le fit déglutir fortement, apparemment les trois quart des sorcières étaient plus belles que la plupart des non-sorcières, mais il ne savait pas si c’était une constatation qui pouvait être illustrée scientifiquement. Mais la blonde n’était pas très attentive, elle avait proposé un exemple, la Corde d’Argent, que le professeur d’un jour avait cité dans son introduction. Wren se félicita d’avoir passé pas mal de temps à la bibliothèque parce qu’il n’aurait sûrement rien compris à tout ça s’il ne l’avait pas fait. Le parallèle avec la cordée chez les non-sorciers lui fit penser à autre chose. Il prit donc finalement la parole après la blonde.

« Wren Willoughby Vaughn. » Il s’était présenté d’une façon assez rigide, se forçant à ne pas se lever pour parler, vieux réflexe de l’école stricte des Watchers qu’il avait fréquentée toute sa scolarité. « Quand il y a une avalanche, il est possible de retrouver une victime grâce à une sorte de balise que les skieurs, ou alpinistes, portent. Il y a peut-être le même genre de chose chez les sorciers ? »

Il rougit soudain violemment et se tut. Son manque de culture magique lui pesait de plus en plus, il se demanda s’il n’avait pas décidé de participer aux cours un peu trop tôt.

"Rok, choupette, sois sympa, ralentis!!!"

Mais le daemon serval ne l'écouta pas, et continua à galoper de plus en plus vite sur le chemin en pente qui menait chez le gérant. L'artiste, éclatant de rire, la suivit en pataugeant dans les flaques laissées par la dernière averses, avant de s'arrêter, essouflé, plié en deux, un point de côté lui broyant les côtes. Il éclata de rire tandis que le félin se rapprocha de lui.

"Bah quoi? On va faire un cours sur une sorte de corde magique... Je testais la notre!" s'expliqua-t-elle d'un air taquin, en laissant un peu de temps au blond pour reprendre son souffle.

Puis, ils se joignirent au groupe, et Mathys salua Donan avec un air joyeux, même si la première fois qu'il l'avait rencontré, c'était lorsque Tibère lui avait flanqué une dérouillée. Pas une situation très glorieuse, donc. Mais bon, c'était la faute du romain, lui, il n'avait rien à se reprocher, d'abord.

Puis, il adressa un sourire à Wren, et à une brunette plutôt pulpeuse qui était arrivée peu de temps auparavant, avant de se laisser tomber près d'Aina, la belle demoiselle qui l'avait accueilli à son arrivée dans la Lande enneigée.

"Bonjour, charmante demoiselle. Comment allez vous aujourd'hui?" demanda-t-il d'un ton faussement cérémonieux tandis que Rok allait timidement voire si Riom était d'humeur à faire la causette.

Puis, il décida de répondre à la question:

"Y'a un truc en navigation, ça s'appelle la triangulation, pour calculer des positions, des distances, tout ça... J'ai entendu dire que les marins sorciers pouvaient se servir des flux pour faire la même opération et se repérer comme ça, sans instrument. J'lai déja vu faire une fois, mais j'ai jamais essayé, personnellement."

Confortablement installé, il attendit, en souriant.

(heu... Comme Lyz est pas encore arrivée (bientôt, j'espère) on fait comme si elle était déja là mais qu'elle parlait pas?)

Donan s'était à nouveau assis sur le perron, et il écoutait les réponses des étudiants en hochant la tête de temps à autre. Personne n'avait sortit d'énormités, et Donan fut un peu déçu. Mais après tout il passait après Ike, et le vieux professeur n'avait pas l'habitude de former des ignares.

- C'est un peu ça, oui, répondit-il à Aina, la première à prendre la parole. Sauf que le lien qui s'instaure entre les sorciers, si il dépend effectivement des flux internes, fait entrer en lice de nombreux autres facteurs. Le premier d'entre eux est la notion de confiance. Et oui, aussi étrange que ça puisse paraître au premier abord, chaque sorcier de la cordée doit avoir une confiance absolue envers les autres. Pour cela on utilise des potions, comme celle-ci. Donan sortit une fiole de sa poche et la lança à Mathys, l'élève le plus proche. Fais la tourner, on va voir si vous en reconnaissez les composants. Bref, le principe de confiance est donc primordial, ainsi que ce que l'on appelle les "failles". Retenez bien ce mot, vous le retrouverez souvent dans ce cours.

Donan se tourna ensuite vers Wren, qu'il rassura d'un sourire avant de poursuivre :

- Les failles sont des abérations magiques. De légère perturbations magnétiques, qu'un bon sorcier peu déceler. Cela demande beaucoup d'entrainement, mais il existe une plante qui permet, tout comme les herbes que vous a surement fait macher Zephira pour les flux, de détecter les failles d'un autre sorcier. Wren, tu parlais de système de détection lors des avalanches, il existe une brigade sorcelière entrainée à retrouver les disparus uniquement grace aux perturbations magnétiques qu'ils émettent. Au début, personne n'avait saisit leur utilité. On s'en servait pour retrouver les gens égarés dans la Brume, par exemple, ou encore en mer, poursuivit Donan avec un léger sourire pour Mathys. Chaque individu possède une signature magique différente selon la fréquence d'apparition de ses failles (un peu comme vos empreintes digitales) qui peut servir à l'identification. Mais ce n'est pas le plus fascinant.

Donan se leva et déambula un instant dans le jardin, tout en continuant à parler. Une fois lançé, il ne s'arrêtait plus, et chacun pouvait constater que, malgré le fait qu'il ne soit pas professeur, il maîtrisait son sujet.

- Revenons à la cordée, continua Donan avec un clin d'oeil pour Aina. Comme l'a fait remarquer notre blondinette, il y a une affaire de flux là dessous. Le principe repose en effet sur un échange de flux interne. Mais cet échange n'est possible que si :
- Petit 1, les sorciers se font confiance
- Petit 2, si ils sont capables de dicerner les failles des autres, et de les utiliser.
Pourquoi, à votre avis ? Quel est le rôle des failles selon vous ? Et est-ce que quelqu'un peut me dire ce qu'on met dans cette potion ? Demanda Donan avec l'air d'un diable qui sort de sa boite.

Cette fois, il espérait bien coincer ses élèves. Il doutait que Zephira ou Jena n'ai abordé ce sujet, qui malgré l'intervention des flux ne relevait pas de la magie canalisatrice.

(voila, je répondrais quand tout le monde aura répondu, sinon dans 15 jours. J'espère que ce n'est pas trop confu, jouer le prof avec Donan c'est un peu bizarre^^)

"Ptêt que les failles, ça sert à ce que les flux s'accrochent entre eux? Enfin, j'sais pas, peut-être que ça marche par complémentarité?"

Il avait l'impression de dire une énorme bêtise, d'autant plus qu'il examinait la potion d'un air intrigué (et un peu bête, il faut le préciser) tout en parlant, ce qui ne faisait que renforcer le comique de la situation. Perplexe, il cligna des yeux, avant de faire passer le flacon à la personne la plus proche, comme le lui avait indiqué Donan. La manière dont celui-ci avait présenté les choses lui plaisait bien. C'était franc, direct, sans prétention, mais pourtant on voyait bien qu'il cernait parfaitement son sujet, et c'était super interessant de l'entendre en parler.

"Pour la potion..."

Il hésita un moment, puis se dcit que quitte à dire des conneries autant aller jusqu'au bout:

"...j'ché pas s'qu'on met dedans, mais c'est pas un truc comme une potion d'euphorie? Enfin, je sais pas, mais pour inciter à la confiance des gens qui ne se connaissent pas forcément, faut certainement utiliser quelque chose qui permette de se détendre, et qui "brouille" un peu les sentiments de méfiance, de malaise ou de timidité?"

Il se mordit la lèvre, dans une attitude carrément pas mathysienne, pour le coup. Mais lorsqu'il avait un problème sous le nez, ça lui donnait envie de le résoudre, et son petit cerveau bouillonnait tandis qu'il jetait un coup d'oeil aux autres, espérant qu'ils allaient relever le niveau...

Wren était très enthousiaste… et un peu choqué aussi. Enthousiaste parce que ce cours, qui n’avait rien à voir avec les cours qu’il avait suivi durant toute sa vie, était justement très différent et intéressant à la fois. Choqué parce que, justement, il était intéressant. A l’Académie des Watchers, on suivait les codes et la pédagogie d’un temps bien antérieur. Wren avait porté un uniforme très stricte durant toutes ses études, quand il n’apprenait pas ses leçons on lui tapait sur les doigts avec une règle et il apprenait tout par cœur, avant d’avoir le droit d’essayer de comprendre. L’ancienne méthode quoi. Et même si cette méthode lui avait toujours parue un peu… poussiéreuse, et presque carrément cruelle parfois, il avait toujours pensé qu’elle était efficace et peut-être même qu’elle était la seule à l’être. La plupart du temps, il avait même pensé qu’elle lui convenait, après tout il avait appris, il avait vraiment appris quantité de choses dans son école. Et là, il découvrait qu’il y avait d’autres méthodes d’enseignement. Des méthodes qui pouvaient fonctionner, parce qu’il n’avait aucun doute à ce sujet, il sentait bien que son esprit fonctionnait aussi vite et aussi intensément que lorsqu’il assistait à un cours « normal ». Ca le choquait, bouleversait son petit monde, où le savoir avait toujours été froid, théorique et tranchant, cruel, austère.

Ici le savoir était… Chaleureux. C’était enthousiasmant bien sûr, en plus d’être choquant. Parce qu’en se rendant compte comme un cours, quelque chose qui lui paraissait être une des choses les plus simples du monde, pouvait être différent de ce qu’il avait connu jusqu’alors ici, il se rendait compte du changement radical de sa vie quand il avait décidé d’abandonner sa chère boule de verre dans la Brume. Pour la première fois depuis qu’il était arrivé, il se rendait compte de ce que cette décision avait été absolue. Il avait changé de vie. Vraiment. Profondément. Et il ne savait pas encore à quel point ce changement était important, il ne pouvait que l’imaginer.

Il prit la potion que Mathys lui tendait, par pur réflexe. Il ne sortit de sa rêverie que quelques secondes après, quand il réalisa qu’il avait quelque chose dans les mains. Il baissa son regard vers la potion et l’observa un petit moment, comme s’il essayait de deviner les ingrédients rien qu’avec la vue. Evidemment, c’était impossible, et il le savait. Cependant, quand il donna le flacon à la personne suivante, il dit, d’un ton ferme, presque hautain, qui cachait en fait un manque de confiance en soi et une peur terrible de l’échec :

« Il y a du coquelicot dedans. C’est un ingrédient de base pour toute potion transformant les sentiments d’une personne, à part les philtres d’amour, qui eux sont plus compliqués. C’est un ingrédient simple qui permet d’accentuer l’émotivité des gens. Evidemment » il se racla la gorge, pour cacher la gêne qu’il y avait dans sa voix, mais ça accentua en fait son air un peu hautain, puisqu’il sembla se racler la gorge pour montrer que ça ne servait à rien de préciser quelque chose d’aussi basique. « à Sywhaîd c’est peut-être remplacé par un autre ingrédient plus local. La Bruyère fait un bon remplacement au coquelicot mais il y a des effets secondaires, principalement un risque que la potion dure plus ou moins longtemps, la durée devient plus instable avec la Bruyère. »

Comment savait-il tout ça ? Il avait beaucoup étudié les potions, en cachette. En théorie, il était capable de tenir tête à la plupart des sorciers, par contre en pratique… Il avait fait quelques potions, parfois très compliquées, mais manquait d’expérience et de pratique régulière pour être vraiment un bon potioniste. En fait, comme dans beaucoup de domaines, Wren était une encyclopédie, il avait les connaissances mais ne les avait pratiquement jamais mises en pratique et avait un peu de mal avec l’analyse. Ca n’était pas qu’il était stupide, c’était juste qu’il avait toujours vécu dans un monde où le fait d’avoir des connaissances était tout ce qu’on lui demandait. Pire, quand il analysait, on s’effrayait. Son cerveau était trop bien fait pour qu’on le laisse analyser et risquer de démonter une bonne partie des choses que les Watchers essayaient d’inculquer aux autres.

Il n’ajouta rien de plus. Il n’y connaissait pratiquement rien en flux et donc ne pouvait pas étaler son savoir à ce sujet. Comme toujours après avoir dit quelque chose d’intelligent, et qu’il savait juste, il se sentit coupable et pleins d’une joie exempte de vanité en même temps. Coupable parce qu’il avait l’impression d’avoir encore écrasé les autres avec son savoir, de ne pas s’être intégré au groupe avec sa réponse mais de s’être plutôt placé au-dessus. Pourtant, sa réponse n’était pas vraiment transcendante mais la façon dont il l’avait dite était… trop sérieuse. Le garçon qui avait parlé avant lui l’avait fait d’une façon très décontractée, très cool, qui cadrait mieux avec le cours et ne faisait pas de lui un fayot en devenir. Quant à la joie, elle était due à cette partie de lui qui ressemblait à un petit chiot enthousiaste. Le fait d’avoir pu contenter le prof, bien que celui-ci soit à peu près de son âge, lui faisait un plaisir énorme et presque impossible à réfréner.

Aina écoutait les dires des autres participants, ne pipant mot. Pour elle, ces failles dans les flux devaient sans doute servir à s'emboiter les uns les autres, c'étaient eux qui permettait de réaliser la cordée. Mais il fallait instaurer la confiance entre chacun des membres de la cordée. C'était, sans doute, à cela que servait cette potion. La jeune femme eut un sourire. Dans cette matière, la magie partagée tenait lieu de liant entre magie canalisatrice et magie environnementale. Ce serait à creuser... Finalement, elle prit la parole:

"Ces failles servent de crocs pour que les deux personnes puissent se lier."

Elle prit le flacon que lui tendait Wren. Elle ouvrit le flacon et sentit l'odeur. Elle était plus ou moins d'accord avec les propos du jeune homme. Elle secoua la tête.

"Le coquelicot est un élément essentiel, qui ne peut que rarement être remplacé. Lorsqu'il l'est avec la bruyère, celle-ci doit être mélangée avec un fixateur. Le lichen ou les algues font souvent cette office, mais, en général, on préfère utiliser le coquelicot. D'autant que lichen et algue ont une odeur très forte qui ne se ressent pas ici. "

Elle marqua un temps de silence avant de reprendre:

"De l'orge, aussi, non?"

Elle se tut, et attendit le verdict.

Lysandrine n'était pas intervenue depuis le début du cours, un peu intimidée de se retrouver devant 3 inconnus. Entre le grand brun à l'air carrément coincé, le petit blond à l'air complètement écervelé, et la bimbo blonde à l'air passa blement prétentieux... Bon, on lui avait appris qu'il ne fallait pas se fier aux apparences, mais disons que la communication s'avérerait certainement un peu difficile.

D'autant plus que la blonde, à ses yeux, venait de dire une bêtise. Certaines algues n'avaient pas d'odeur. Une varitété d'algue violettes, par exemple, pouvait servir de fixateur pour les potions, et donnait un liquide à la fois inodore, insipide et incolore. D'où tenait-elle toutes ses connaissances théoriques, qui pouvaient paraître plutôt pointues pour quelqu'un n'ayant jamais fréquenté une école de magie? Des livres de son frère, bien sûr, et des anciens cours de sa grande soeur, qui, voyant son intérêt pour la théorie, les lui avait donné. Néanmoins, elle n'osa pas s'opposer à Aina, pour la bonne raison qu'elle était une sorcière, une vraie, et qu'elle avait certainement du expérimenter pour en arriver à cette constatation. Lyz n'avait jamais fait de complexe d'infériorité quant à sa condition de sorcière dépourvue de pouvoir magique, mais il fallait avouer aussi que les seuls sorciers qu'elle avait fréquenté étaient sa famille et les amis de celle-ci, qui l'avaient toujours bien accepté. Ici, c'était légèrement différents, et d'après ce qu'elle avait compris, la plupart des gens avaient fait une formation plutôt pointue avant de venir. Elle ne voulait pas avoir l'air prétentieuse en parlant d'un truc qu'elle ne connaissait finalement pas beaucoup.

Néanmoins, comme Aina n'esquissait pas un geste pour lui donner le flacon, elle le lui prit délicatement, avant de l'examiner un instant. Pour finalement, ouvrir la bouche, hésiter... et la refermer, dépitée. Elle avait l'impression que tout avait déjà été dit, et qu'elle ne parviendrait qu'à répéter ce qu'avait dit les trois autres, d'autant plus que Wren et Aina avaient l'air de s'y connaître. Et même Mathys, qui avait eu l'air d'hésiter avant de parler, ne pouvait pas avoir dit que des bêtises...

Elle reposa précautionneusement le flacon près d'elle, rougissant légèrement, mais n'ouvrit toujours pas la bouche.