My Songs Know What You Did In The Dark

A Sywhaîd, Zeke avait deux endroits favoris. Il y avait tout d’abord les ruines, ce qui tombait plutôt bien, la volière s’y trouvant, et l’anglais y passant du coup la plupart de son temps. Il avait adoré le Loch en le voyant pour la première fois, à son arrivée, mais c’étaient les ruines qui l’avaient fait tomber amoureux de Sywhaîd. Il les avait d’abord vues de loin, quand Mathys l’avait guidé jusqu’à l’école pour s’installer. Puis quelques minutes plus tard, il n’y avait pas tenu, et avait été voir l’endroit. Il en était tombé amoureux instantanément. Et quand Arieh lui avait proposé le poste à la volière, il avait accepté en grosse partie à cause du lieu. Savoir qu’il aurait une excuse quotidienne pour aller aux ruines avait été un argument suffisant à se coltiner le guano et les coups de bec. Il avait d’ailleurs installé un hamac dans un coin protégé de la volière et y passait régulièrement la nuit (ou du moins le faisait à l’automne, les nuits étaient vite devenues trop froides en hiver pour continuer, et il avait donc dû investir plus sérieusement sa chambre dans l’école).

Le second lieu qui avait les faveurs du Diulcinea était le toit. Il l’avait découvert plus tard, n’ayant pas su pendant longtemps qu’il y avait un accès. Il faut dire qu’il n’allait pratiquement jamais dans le dernier étage, n’ayant pas particulièrement l’intention de suivre une formation sérieuse à Sywhaîd. Un jour, alors qu’il était dans la cour, il avait entraperçu du mouvement sur le toit, et ça avait piqué sa curiosité. Zeke n’avait jamais eu le vertige, et il aimait les belles vues, il avait donc attendu un peu, histoire de ne pas risquer de tomber sur quelqu’un, et avait exploré les lieux. La vue était magnifique. Et l’endroit était vide, la plupart du temps, du moins aux horaires où Zeke y allait, surtout depuis que les températures avaient baissé drastiquement. C’était un plus. Parce que la vie en communauté c’était chouette, et Sywhaîd était un endroit où on vous laissait facilement tranquille… Sauf qu’il y avait des journées plus éprouvantes que d’autres.

Comme ce jour-là, par exemple. Une journée où l’anglais avait cru pouvoir être tranquille dans la volière, comme d’habitude, mais où tout s’était enchaîné un peu trop vite à son goût. Tout d’abord, il avait été réveillé en sursaut par du bruit dans la salle de bain qui se trouvait à quelques pas de sa chambre. Une canalisation avait cassé à cause du gel, et le couloir avait été en partie inondé. Tout le monde avait aidé, et Zeke n’avait évidemment pas fait exception. Une bonne heure à tout nettoyer et réparer en groupe, suivi d’un petit déjeuner en commun auquel il n’avait pas pu échapper, même en se faisant le plus discret possible. Il n’avait eu qu’une demi-heure de répit aux ruines avant que Connor et Fred ne débarquent pour qu’il continue à leur apprendre à s’occuper des oiseaux. Quand il était rentré à Londres pour les fêtes de fin d’année, Connor et Fred avaient été chargés de nourrir les oiseaux deux fois par jour et de nettoyer le sol, tandis que d’autres sywhaîdiens avaient été réquisitionnés pour les tâches plus compliquées. Ils avaient tous les deux adorés, et Zeke s’était retrouvé avec deux apprentis qui s’imposaient joyeusement régulièrement (et bruyamment) à lui. Il les aimait bien, mais ce jour-là, passer la matinée avec eux avait été éreintant.

Il avait évidemment été invité à prendre le déjeuner, à l’école, avec les Norton (et compagnie) et Zeke n’avait pas réussi à s’en sortir. Du coup il avait pris son repas à l’heure la plus chargée du midi, ce qui en hiver revenait à un moment très bruyant, la plupart des gens venant se réchauffer à l’heure du midi (et avec le froid, même les gens qui habitaient dans des maisons venaient souvent à l’école pour les repas).

Et puis ensuite, pour une raison qu’il n’avait pas saisie, l’après-midi avait été particulièrement affluente. Pratiquement tous les gens qui étaient venu poster leur courrier, ou en recevoir, en avaient profité pour discuter avec le charmant chargé de la volière. Zeke détestait parfois la capacité qu’avaient les Diulcinea à cacher leurs émotions, parce qu’il aurait bien profité d’un peu de tranquillité qu’une mine renfrognée lui aurait sûrement donnée.

C’était sur le toit, à la fin d’après-midi, alors que le soleil s’était déjà couché depuis un moment, que Zeke avait finalement trouvé cette tranquillité. Assis sur une couverture qui lui gardait les fesses au sec (la neige n’avait pas fondu à Sywhaîd depuis près de trois semaines), il fumait une cigarette, le regard dans le vague. Il n’y avait pas grand-chose à voir avec cette nuit qui était déjà tombée, à part quelques loupiotes dans les maisons au loin, et quelques magnifiques étoiles dans le ciel, mais c’était suffisant pour Zeke. Il était épuisé. Depuis sa dépression, passer du temps avec qui que ce soit lui demandait un effort presque sans limite. Etre avec des inconnus, ou presque inconnu, était encore pire. Quant aux groupes ou aux foules, ils l’angoissaient carrément. Sa journée avait été plus qu’éprouvante, et la lettre que Rach’ qu’il avait reçue, à propos de comment elle s’inquiétait pour Enrike, la troisième depuis qu’il était revenu de Londres début janvier, n’en que rajouté. Il savait que sa sœur ne le faisait pas exprès, mais plus les lettres arrivaient, plus il sentait les repproches pointer sur le fait qu’il n’était pas là pour sa famille alors que tout le monde avait besoin de lui. Enrike et son problème avec l’alcool… Zelia et ses problèmes avec Abi… Les problèmes de santé de leur mère… Sasha et ses problèmes au travail. Lui-même n’était pas au plus fort, mais Rach’ avait toujours considéré que partir était la même chose que fuir, et une partie d’elle n’arrivait pas à lui pardonner, elle n’avait pas besoin de le dire pour qu’il le sache.

« Juste besoin d’un peu plus de silence et de calme… Si ça te va, buddy ? »

L’adorable chihuahua, qui était encore un chiot mais serait bientôt adulte, jappa doucement avant de se repositionner sur les genoux de son maître. Il se trouvait enroulé dans le gilet en laine beige de Zeke, sa petite tête à peine visible entre les deux pans du vêtements. Zeke lui-même n’avait pas froid, il était bien couvert, portant plusieurs couches de vêtements (la veste en jean doublée de peau de mouton et son gilet beige étant les deux seules couches visbles), des mitaines grises, des chaussures doublées, et un bonnet assorti aux mitaines qui couvrait ses cheveux, raccourcis pendant les vacances sous les ordres d’Anthony, qui trouvait que la queue de cheval c’était un peu dépassé, même pour un ancien reporter bouddhiste. Un sourire s’afficha sur le visage de l’anglais quand il pensa brièvement à son frère, avant qu’il ne tire une nouvelle fois sur sa cigarette.

[A qui veut !!!]