[ME] Cours II : les Black Dwarves

C'était donc décidé : le cours pourrait avoir lieu en plein air. Rozen avait bien emporté un parapluie, compte tenu de la couleur sombre du ciel ; même une spécialiste de magie environnementale ne pouvait garantir à ses élèves qu'ils n'auraient pas le droit à une petite averse. Le parapluie était sommaire : fabriqué sur Sywhaîd, avec un bout de toile et trois-quatre branches souples, il saurait néanmoins résister à d'éventuelles bourrasques.

L'air était chargé d'humidité ; la route qui menait jusqu'à l'école, bordée de part et d'autres de fabriques, était elle-même pleine de flaques d'eau boueuses, et Rozen arborait de grandes bottes en caoutchoux. Elle n'avait pas précisé à ses élèves qu'allant dans le marais, ils devaient eux aussi s'en équiper. C'était le genre de détails dont une prof attentive et sérieuse aurait pris soin de s'assurer ; mais notre petite bonne femme avait encore de la marge pour être de celles-là : elle avait déjà du mal à se retenir de ne pas sauter dans les flaques façon Mimi Cracra...

Mais un cours l'attendait. Ou plus exactement, on attendait d'elle qu'elle donne un cours. Sagement, elle se dirigrea vers le panneau qui, affiché devant la maison du gérant, constituait plus ou moins l'un des centres névralgiques de Sywhaîd ; c'est là qu'elle avait fixé rendez-vous aux élèves désirant en savoir plus sur leurs petits voisins des marais : les Black Dwarves.

Asa n’était pas arrivée depuis très longtemps, mais si Rozen leur avait dit d’aller directement au marais, elle n’aurait eu aucun problème pour s’y retrouver. Elle avait passé une bonne partie de ses journées, depuis qu’elle avait passé la Brume, à explorer la campagne sywhaîdienne. Le loch était l’endroit qu’elle trouvait le plus beau, surtout aux couchers et levers de soleil, il n’était pas rare de l’y retrouver, perdue dans ses pensées. Les ruines étaient l’endroit qui la troublait le plus, elle n’avait pas encore mis à exécution son projet d’y passer une nuit entière, histoire de voir ce que ça pourrait donner. La forêt était l’endroit qui aiguisait le plus sa curiosité, elle avait déjà été assez profond, mais elle attendait à présent de trouver un certain Waylon pour qu’il la guide, on lui avait dit que c’était à lui qu’elle devait s’adresser. Le marais était l’endroit où elle s’amusait le plus. Etrangement, s’enfoncer dans la boue, faire flocfloc et ressortir toute sale était ce qui l’amusait le plus depuis qu’elle était arrivée. Pas pour rien qu’elle avait décidé d’assister à ce cours. Quant à la Lande… Non, c’était le seul endroit qui ne lui plaisait pas vraiment. Enfin, un simple pré, des arbres… Bof. Même en sachant que c’était là que se pratiquait le sport local, elle qui aimait tellement le sport, ça ne changeait pas son avis sur ces grandes étendues d’herbe.

Elle portait un jean moulant, qui faisait ressortir ses formes exactement comme il le fallait, et une chemise en cuir rouge cintrée, décolletée, qui faisait de sa poitrine la chose la plus voyante de son anatomie, et qui de plus avait le bon côté de tenir assez chaud pour cette journée d’automne. Elle était maquillée d’une façon assez sobre. Khöl sur les paupières, assez foncé, rouge à lèvres foncé sur les lèvres, elle était un peu trop maquillée pour un petit village d’Ecosse en pleine campagne, mais plutôt sobrement pour New-York. Sa longue crinière bougeait à chacun de ses pas, son regard fixant le panneau au loin où une silhouette était déjà arrêtée. Elle finit par la rejoindre et imagina que c’était la prof. Pour pas trop se mouiller, elle se contenta de lancer :

« Hi ! »

Elle avait prévu les bottes en caoutchouc, et fut plutôt contente de voir qu’elle n’était pas la seule. Elle avait dû en emprunter, mais elle avait trouvé une bonne âme qui lui avait prêté avec plaisir. Afin de ne pas s’ennuyer, elle commença à parcourir des yeux les annonces du panneau, Morth se contentant de farfouiller tranquillement dans le coin.

Ca y était, les oiseaux étaient nés, chacun l’un après l’autre. Du fait, la belle n’avait pas encore pu trouver de temps pour elle. Petra la chouette familial ne s’en sortait pas et Annalda la secondait au mieux. La demoiselle avait pu faire connaissance avec le cuisinier et ainsi lui demander de quoi nourrir sa progéniture, mais il fallait qu’elle trouve une autre alternative. Donc, il fallait qu’elle aille se renseigner pour son métier et tout le tintouin qui allait avec. Mais avec l’enchainement d’événement, elle n’avait eu le temps de rien à part de se détendre un peu à l’instrument ou devant un papier à lettre.

Mais c’était déjà jours de cours et il fallait qu’elle aile dans les marais. Elle avait bien remarqué les immenses et magnifiques étendues de nature qui entouraient les lieux mais, soupirante, elle n’avait pu encore s’y rendre. Tout semblait lui tomber dessus en même temps, enfin surtout l’éclosion. Il fallait qu’elle s’occupe des petits, qu’elle leur trouve des noms et qu’elle définisse leur race. Bref, la belle était débordée.

Elle avait mis un vieux jean qui lui servait pour la peinture, clair et taché et qui pourtant mettait en valeur sa taille fine. Sur cela, elle avait enfilé une tunique robe noir, cintrée sous la poitrine laissant flotter le tissu au vent, l’encolure mi ronde mi carré libérant son cou et sa gorge et découvrant ses fines rondeurs et pour finir des manches courtes légèrement balcon. Bien sûr, un paletot gris à gros bouton tentait de lui tenir chaud mais puisqu’elle le laissait ouvert et que les manches de cette habit était large cela ne pouvait pas être très efficace. De grandes mitaines montantes finalisaient l’affaire.

La jeune femme n’avait pas trouvé de bottes en plastique, donc elle avait mis ses baskets les plus résistantes et deux sacs plastiques noirs. Elle s’approchait du lieu de rendez vous avec son sac bandoulière et s’étonna de trouer là une ancienne norskennienne. Certes, elle ne la connaissait pas vraiment, voir pas du tout mais c’était un bon point de repère dans ce lieu qui lui était si étranger, de quoi la rasséréner un peu.

« Bonjour »

Laissa-t-elle en arrivant et en sortant les sacs noirs. Jind avait catégoriquement refusé d’en mettre et préférait se salir, Anna non. Elle mit ses pieds dedans et les referma le plus haut possible sur ses mollets. Ainsi équipé, elle était ridicule mais vachement bien protégée. Sa louve noire semblait se retenir de rire d’elle. Elle se releva avec un sourire triomphant et disant : « je n’ai pas honte de moi ». Ce qui était une vérité générale chez elle. D’ailleurs, elle savait que son appareil immortaliserait à un moment ou un autre ses bottes improvisées.

Pourquoi étudier les Black Dwarves quand on était plutôt spécialiste de la botanique ? Tout simplement parce que Marybeth était du genre à aimer étudier un sujet à fond. Si elle avait eu le temps, elle se serait inscrite à tous les cours de Rozen, alors même qu’elle était aussi en majeure dans cette matière. Mais elle n’avait pu s’inscrire qu’à deux cours, celui-ci et celui des potions. C’était déjà ça. Le cours trois l’avait aussi alléchée mais elle avait dû faire un choix, et le feu n’était pas ce qui la passionnait le plus. Elle arriva donc au point de rendez-vous. Pour une fois, elle ne portait pas de jupe… Mais un jean, rentré dans de longues bottes en caoutchouc. Par-dessus, elle portait une simple chemise à carreaux, bien élimée, celle qu’elle mettait quand elle faisait des travaux salissants. Elle savait qu’elle ne risquait pas d’avoir froid, les marais demandaient beaucoup d’effort, elle aurait même sûrement trop chaud. Ses cheveux, propres mais pas démêlés, étaient remontés par une pince.

Elle s’arrêta et salua Rozen, qui n’avait décidément pas vraiment le look professoral-type, avant de saluer Asa et Annalda. Elle avait revu Asa depuis son arrivée et avait même discuté avec elle à plusieurs reprises. Quant à Annalda, c’était la première fois qu’elle la revoyait vraiment, elle l’avait juste vue de loin quelques jours plus tôt et l’avait reconnue. Elle avait été celle qui l’avait accueillie à Norsken. A l’époque, elle était toujours enceinte. Elle sourit chaleureusement à la musicienne. N’y aurait-il que des anciens de Norsken à ce cours ? Ca aurait été une drôle de coïncidence… Elle espérait qu’il y aurait quelqu’un qui n’ait pas été dans le Grand Nord pour casser un peu ce groupe.. Même si les trois jeunes femmes n’étaient pas tout à fait un groupe soudé.

Effectivement, le groupe ne se limita pas à des anciens de Norsken ; bientôt, il atteignit l'exacte demi-douzaine, ce qui correspondait justement au nombre d'inscrits pour ce petit cours. Ravie que le temps maussade n'ait découragé personne, et qu'en prime chacun ait pensé à s'équiper -selon ses propres moyens- en vue d'une équipée boueuse, la jeune prof frappa une fois dans ses mains, non pour rétablir un quelconque ordre mais plutôt dans l'idée d'un clap de film : Action.

"Salut à tous, merci d'être venus jusqu'ici pour cet exposé sur nos amis les Black Dwarves ; pour ceux qui ne me connaitraient pas, je m'appelle Rozen. J'm'occupe de magie environnementale, donc ce qui va particulièrement nous intéresser, c'est le rapport qu'entretiennent ces créatures avec..."

D'un large geste de la main, elle désigna la chose boueuse qui les attendait.

"le marais. Certains d'entre vous sont là depuis déjà pas mal de temps, d'autres viennent peut-être d'arriver ; mais j'imagine que vous avez tous déjà votre propre avis sur le lieu, peut-être une anecdote à ce sujet... J'pense que ce serait une bonne entrée en matière que de voir comment chacun d'entre vous appréhende ce milieu."

La jeune femme se tourna vers l'élève le plus proche ; elle lui sourit, encourageante.

Et l’élève la plus proche était sûrement celle qui avait le moins d’avis sur le Marais, Asa. Si elle n’avait pas d’avis vraiment précis, pas d’anecdote, rien, c’était bien parce qu’elle venait d’arriver. Evidemment, elle avait commencé à explorer les lieux, mais elle ne les connaissait pas encore assez pour pouvoir faire un long discours. Mais bon, on l’avait désignée, et elle n’allait pas botter en touche, ça n’était pas son genre. Elle secoua la tête, faisant voler sensuellement sa crinière, et commença de sa voix rocailleuse aux relents typiquement new-yorkais :

« J’suis Asa et voilà Morth. » commença-t-elle, en désignant la boule d’épines qui furetait à ses côté. « On vient d’arriver, donc j’pens’ pas qu’on soit les mieux placés pour parler du marais mais bon… » sourire aussi carnassier que sa voix était rocailleuse, elle semblait parfaitement adaptée au marais, un des endroits les plus sauvages de Sywhaîd. « On s’est un peu baladés dans l’coin et c’est vrai qu’c’est un endroit très wild. On sent qu’c’est pas un coin calm’ et mort. On sent la vie, on sent qu’ça… Humm… Puls’. Ouais, ça plus’, littéralement, dans l’sens où y a vraiment des pulsations. »

Elle s’était agitée quand elle avait commencé à essayer d’expliquer ce qu’elle ressentait. Ses deux mains essayaient d’illustrer ce que ses paroles échouaient à vraiment transmettre. Asa n’était pas quelqu’un très doué pour parler, elle n’avait aucune réelle subtilité dans son langage, et encore elle s’était améliorée depuis quelques années. Mais elle ressentait les choses, elle avait de l’instinct, ses sens étaient à l’écoute. C’était aussi ce qui rendait les choses si compliquées à expliquer. Décrire une sensation était bien plus dure que de décrire quelque chose de concret. Si elle avait pu expliquer plus clairement, elle l’aurait fait, mais elle en était incapable.

« Quand on parl’ d’un marais, j’pens’ qu’on imagin’ qu’l’élément dominant est l’eau ou la terr’… J’sais pas si c’est l’cas, j’suis pas un’ spécialist’ mais moi j’ai l’impression qu’le feu est très présent aussi. Faut dir’, j’ai un’ affinité très fort’ avec l’feu, plus fort’ que la normal’ d’après mon ancien prof et donc j’sentirais l’feu dans n’import’ quoi si j’m’laissais aller mais… Non, l’marais pour moi contient du feu, d’un’ manièr’ ou d’un’ autr’. »

C’était gagné, maintenant elle se sentait stupide. Il fallait toujours qu’elle fasse son intéressante ou quoi ? Elle aurait pu garder cette impression pour elle, et attendre de voir si la prof en parlait… Au lieu de ça, elle sautait tout de suite sur la première occasion pour dire un truc qui ne se tenait pas du tout et qu’elle était incapable d’argumenter. Juste une sensation. Patrick Winter lui avait pourtant bien répété que l’instinct n’était pas la seule chose sur laquelle elle devait s’appuyer… Bon, il lui avait aussi dit qu’il fallait qu’elle continue à l’écouter quand même, surtout qu’il était plutôt bon en général… Mais là, elle disait peut-être une grosse idiotie, les autres élèves allaient sûrement se foutre d’elle… Elle ferma sa bouche, l’air plus renfrogné que jamais. Mauvais départ.

[Euh… Je sais absolument pas si ça se tient, c’est juste qu’il m’a semblé que le marais pouvait contenir la polarité feu… Mais si ça se tient pas, ben Asa a juste dit une connerie, c’est pas grave ^^]

[vraiment, vraiment désolée, je voulais pas être la seule à poster dans ton cours, de peur de noyer sous mes persos et de démotiver les autres…]

Etonnement, la première à répondre fut Asa. Enfin, ça n’avait rien de vraiment étonnant puisque Rozen l’avait désignée. Et puis, Marybeth n’aurait pas été étonnée non plus de la voir participer du fait qu’elle savait très bien que c’était la matière de l’Amazone. Et puis, Marybeth n’était pas du genre à avoir des a priori, elle savait voir plus loin que le bout de son nez, et Asa n’avait jamais été pour elle une nana stupide qui était incapable de faire quoi que ce soit de bien, violente et tarée, comme la plupart des gens la voyaient. Asa était quelqu’un d’intelligent, c’était indéniable. Elle ne parlait pas très bien, elle comprenait les choses grâce à son instinct plus que grâce à ses connaissances de base, mais elle était intelligente. Ce qu’elle disait était intéressant. Marybeth était spécialiste en potions et en botanique. Elle connaissait les éléments, elle savait les reconnaître, les utiliser, mais elle n’était pas une spécialiste. Elle faisait plus confiance à Asa qu’à elle-même dans ce domaine. Après tout, chacun ses spécialités, chacun ses domaines, il fallait accepter le fait qu’on pouvait trouver meilleur que soi-même. Pour un petit génie qui avait toujours tout réussi, ça avait été plutôt difficile de comprendre qu’elle trouverait toujours meilleure qu’elle dans la plupart des domaines, qu’elle ne pouvait pas être la meilleure partout. Mais ça avait été bénéfique pour son ego.

« Oui…. » Marybeth enchaîna, l’air de vraiment réfléchir à ce que venait de dire Asa. Apparemment, l’Amazone l’avait poussée à se poser des questions. « Enfin, je veux dire… L’eau et la terre sont des éléments très présents dans le marais, je peux les sentir, ce sont mes éléments. » elle oublia de se présenter, prise dans sa réflexion. Une Marybeth lancée sur un problème était du genre à oublier tout le reste. « Mais en tant que botaniste, je peux aussi assurer que le feu est présent. Des plantes qui ne peuvent pas vivre sans cet élément poussent dans le marais… Alors, ça serait logique. Je me suis jamais vraiment posée la question avant, je veux dire, je suis pas du genre très connaisseuse du marais, j’y vais parfois pour récupérer des plantes mais c’est rare, les plantes du marais sont souvent des plantes qui servent pour les poisons ou ce genre de choses, et j’ai pas vraiment l’occasion de faire des poisons… »

Elle se tut et lança un regard interrogateur à Rozen. Elle voulait savoir si le feu était bien aussi présent que ce que disait l’Amazone, ça l’intéressait vraiment. Mais elle détourna vite son regard quand son daemon, Nios, un grand chat norvégien qui était à ses pieds, miaula bruyament. Elle comprit tout de suite le message.

« Ah… je suis Marybeth et voilà Nios mon daemon. Je m’occupe de la serre et du potager de Sywhaîd. Je suis en Majeure Elémentale et mon élément est l’eau, couplée avec la terre en élément mineur… Et je connais pas très bien le marais… Je suis venue pour apprendre à mieux le connaître. Surtout au niveau de la faune, c’est pas du tout mon domaine. »

(je suis trop navrée, de tant retarder … j’avais pas tilté que c’était 2 de tes persos :s je me serais arrangée autrement pour mes posts -_- bref sorry sorry sorry)

Annalda réfléchissait à toute vitesse. Son cerveau était plein à craquer. N’arrivant pas à chasser l’idée qu’il pourrait arriver quelque chose à ses oiseaux, tous petits petiots, dans sa chambre, elle avait du mal à se concentrer sur le cours. Puis couplant les mots des deux jeunes femmes à ses pensées, la belle laissa sa mâchoire se décrocher doucement. L’un des bébés oiseaux avait de longues pattes et un bec fin et proéminent, cela ne faisait aucun doute, c’était un oiseau d’eau. Elle se trouva très bête d’avoir pensé en le voyant la première fois, qu’il avait peut être une anomalie.

Maintenant, elle était entièrement prise par le cours, enregistrant et analysant en même temps les paroles de ses camarades. Hochant la tête ou fronçant les sourcils au cours de leurs prises de parole, la jeune femme se laissa un tout petit temps de réflexion pour ne pas se lancer dans des phrases sans queue ni tête dû à son empressement de parler.

« Moi c’est Annalda et voici Jind. Je … euh, bah je vais peut être prendre un post au cuisine, mais c’est pas encore sûr. Mon élément c’est l’air, avec un peu terre. Et j’suis là, euh ... parce que ça avait l’air intéressant. »

Super, et hop, ça lui apprendra à vouloir reprendre ce que disait les autres pour donner de la consistance à se qu’elle allait dire.

« Bref, ce que je voulais dire, c’est que ça m’étonne pas qu’on puisse sentir du feu. Je suis … ‘fin je viens de le dire, mais portée sur l’air, et j’ai l’impression qu’on le sent ici. Il y a beaucoup d’espèce d’oiseau des marais, ce n’est sûrement pas pour rien. Donc est ce que les marais sont un compromis des quatre éléments ? »

Elle se reporta à la question de base car, comme d’habitude, elle s’en éloignait.

« ‘Fin, voilà, moi en tout cas, j’ai l’impression que l’air fait le lien entre l’eau, la terre et la végétation. Pis, ça transporte les odeurs, les peurs et les sentiments des animaux, les sons. »

Elle s’était encore branché sur la fréquence « oiseau » et pensait au cri d’alerte de certain d’entre eux. Il fallait dire que la jeune femme n’avait presque pas d’affinité avec le feu, et sentait très peu sa présence. Avec l’eau, ça avait été la même chose, jusqu’à ce qu’elle rencontre une certaine jeune femme qui, en devenant proche d’elle, lui avait fait vivre son élément. C’était un simple phénomène, le même qui fait qu’on peut tenir une conversation à quelqu’un de passionné sans ne rien connaitre, ni particulièrement aimé sa passion : juste car, la personne nous la donne à vivre d’une manière qui nous était inconnue.

"Gosh...les filles, vous avez des instincts de tueuses", répliqua Rozen, visiblement impressionnée, lorsque ses trois étudiantes eurent pris la parole. Elle sourit à la cantonnade, et s'expliqua aussitôt :

"C'très intéressant, tout ce que vous avez dit ; et l'approche élémentaire est excellente pour appréhender un environn'ment. Surtout ici, sur Sywhaîd ; parce qu'en général, on r'ssent les choses de façon beaucoup plus forte. Ailleurs, on n'ressent pas la présence des éléments si facil'ment. P'têtre qu'Asa, effectiv'ment, dans ton cas tu repèrerais le feu. Quoi qu'il en soit, t'as vu juste."

Rozen fit un pas vers le marais ; elle hésita, et lança finalement à ses élèves du jour :

"Le mieux est d'aller voir ça sur pièce ; comme l'a dit Marybeth, il existe des plantes qui réagissent essentiellement à l'élément feu, qui s'en nourrissent, si on veut. Mais j'pense que maint'nant que vous savez quoi chercher, vous trouver'ez d'autres indices de cette présence dans l'marais. Rien qu'le fait qu'on y récolte d'la tourbe..."

Rozen sourit, et finalement, elle descendit elle-même le talus pour rejoindre une large bande de terre herbeuse ; faisant signe à ses élèves de la suivre, elle commença sa progression, tout en continuant son simili-cours.

"Okay, à partir de maint'nant, mettez vos pas dans ceux d'la voisine. Donc, comm' Asa l'a justement fait r'marquer, le feu est présent en forte quantité ici. A vrai dire, les quatre éléments sont présents partout ou presque, sauf dans des lieux vraiment très précis, mais où toute vie est alors exclue. Or le marais grouille de vie, ça ouaip."

Comme pour illustrer son propos, Rozen planta le bout de son parapluie juste au bord de l'étendue herbeuse, à la limite de l'eau boueuse. Aussitôt, une bestiole grise, de la taille d'une grenouille, émergea de l'eau pour bondir plus loin.

"Mais c'est vrai qu'la proportion de feu est plus grande qu'on n'pourrait l'penser. C'est là qu'on voit que ce qu'on désigne par "l'élément feu", ce n'sont pas juste des flammes, ou même des choses qui brûlent ; il peut être présent de façon moins visible, par exemple, comm' l'a dit Marybeth, dans des plantes. Ou des roches spécifiques."

Rozen se pencha pour examiner un caillou, mais redressa la tête, visiblement pas convaincue par sa découverte.

"L'air est pt'être le moins présent des quatre éléments ; mais comme il est général'ment le vecteur sensible...Ouhla, je jargonne, pardon. Disons que l'air se charge effectivement des trois autres éléments présents, qu'il les "libère", les rend sensibles par le mouvement. en fait, c'est un peu comme si vous observiez une tache sombre ; dès qu'les fourmis se mettent à bouger, là vous les repérez... 'Voyez c'que j'veux dire ? Eh ben, pour le marais, c'pareil. Pour l'appréhender, pour le r'connaître, l'air est d'autant plus utile qu'il est peu présent."

Ce disant, Rozen arrêta de marcher, et se tourna vers les trois jeunes filles. Fermant les yeux, elle huma l'atmosphère environnante, comme pour en analyser les parfums. Cela devait lui donner un air un peu bizarre, mais ça n'avait pas l'air de la préoccuper. Les odeurs plutôt nauséabondes la firent sourirent et rouvrir les yeux.

"Ouaip. L'eau et la terre représentent les éléments immobiles ; stagnants ; le feu est présent, mais pas vraiment sous sa forme mobile...plutôt comme énergie latente, la plupart du temps. C'pour ça que vous trouverez ici essentiellement une faune aquatique ou rampante. Mais j'dérive un peu, là, j'crois. Rev'nons à nos nains.

Vous d'vez savoir qu'on sait relativ'ment peu de choses sur eux ; on les rencontre plutôt fréquemment, si on compare avec d'autres créatures sur sywhaîd ; déjà, ils sont présents à peu près tout'l'année. Je sais qu'on s'imagin'qu'ils sont là surtout aux saisons froides, mais c'est nous qui traînons plus dans l'marais à cette époque de l'année, à cause de la tourbe. Et les Nains ont un sens aigu d'la propriété. Ils sont très attachés à leur terre... Aussi surprenant que ça puisse paraître", ajouta Rozen avec un léger sourire. Même en connaissant toutes les richesses du lieu, le marais n'était pas un endroit hyper glamour.

"Il faut dir' que les nains se croient eux-mêmes nés de la tourbe, donc c'est un peu comm'si on griffait leur mère nourricière... J'ai bien dit d'la tourbe, pas de la banale glaise du marais. Donc bien de la terre qui renferme en puissance l'élément feu. C'qui est assez logique pour des nains ; vous en connaissez p'têtre d'autres espèces, toujours est-il que même les non-sorciers, lorsqu'ils en représentent, les associent au feu, à la forge, à ce genre d'activités.

Ici, il est évidemment pas question de forge ; les Black Dwaves utilisent le feu, mais pas sous sa forme la plus visible. Et justement, le jeu va être de deviner de quelle façon."

Rozen adressa à ses élèves un petit clin d'oeil faussement ravi. Elle n'étit pas vraiment à l'aise dans le rôle de professeur, ni même d'animatrice, et ne pouvait s'empêchait de voir ça avec une cetaine distance, quitte à ce que son cours soit moins rigoureux.

"Alors, on va mener not'petite enquête en allant vers le sud ouest, vers la turbière ; c'est là qu'on trouver'a normalement le plus de choses. Vot'but, c'est de r'pérer un peu tout c'qui peut vous sembler un indice de la présence de nos p'tits amis. Alors, ça peut être au mieux des objets, des pièces de tissu, des armes... Mais c'est plutôt rare d'en trouver, vu que de une les nains font plutôt gaffe à leurs affaires, de deux le marais les engloutit assez vite, ce genre de débris.

Donc, deuxième piste, le feu ; il est présent de façon cachée, comme j'l'ai dit, mais ça n'veut pas dire qu'il n'est pas visible. Repérez les plantes qui se nourrissent de feu, si vous les connaissez ; les pierres riches en carbone. Ou simplement des traces insolites.

Troisième piste, eh bien... Tout ce qui vous semble louche ; ya d'fortes chances que ce soit pas directement lié aux nains noirs, mais toute trace d'activité, de perturbation de l'équilibre des éléments ou quoi que ce soit, est liée à une forme de vie végétale ou animale un tant soit peu évoluée. Et dans les trois quarts des cas, le responsable, c'est soit bibi les humains, soit... Nos ptits potes. J'ai tout dit, j'espère que vous avez pas peur de vous salir."

Désignant le marais qui s'étendait devant elles, Rozen y plongea la première. Euh, pas en y trempant la tête, bien sûr, mais les bottes, ce qui était déjà pas mal.

[Voilà ! Désolée pour les pavés, c'est histoire d'avancer un peu le schmilblick ; la saison étant bientôt finie (snif, snif), je vous demanderai de condenser également un peu vos messages ; sans tomber sur le trésor perdu du roi Nain Gromluk Ier, essayer de ne pas sortir totalement bredouilles de cette petite expédition ! Et n'hésitez pas à laisser libre cours à votre imagination, ainsi qu'à exploiter les connaissances spécifiques de vos divers personnages. En cas de question, mp !]

(Allez pour ... enfin en espérant me faire pardonner ...je post en première. Du coup, j'espère aussi que c'est ce qui est attendu)

Annalda n'avait pas spécialement réagi aux explications de leur professeur car chaque partie de celles-ci était de nouvelles connaissances à retenir. La demoiselle regarda le marais, profond, silencieux, légèrement brumeux, juste assez pour lui donner une opacité impénétrable. Cela était sûrement dû à l'humidité qui y régnait, bien qu'il n'y fasse pas spécialement chaud. Des bulles remontaient à la surface de l'eau stagnante et venaient produire de faibles explosions glauques et irréels. C'est dans cette ambiance hors du temps et de l'espace que Miss Vanloo invitait ses élèves à s'aventurer, si ce n'était à se perdre vu qu'Annalda faisait partie de l'expédition(*), en ouvrant grand les bras à ce lieu étrange. Qu'à cela ne tienne, un sourire joyeux et curieux aux lèvres, l'autrichienne était prête à mener son enquête. Inspirant à pleins poumons l'air du marais, la jeune femme suivit l'exemple et plongea ses sacs plastiques ficelés dans l'humus vaseux qui semblait le plus stable.

Miss Vanloo passa sous un rayon de lumière filtré par les arbres et un bonheur enfantin et nostalgique s'installa dans le coeur de l'étudiante. Un si joli tableau, fait d'une ambiance exotique et enfermant une femme aux cheveux satinés de lumière près d'un vieil arbre solide paré de sa propre ombre, cela ne pouvait une faire rêver la musicienne. Il ne fallu qu'un regard posé sur le lointain de la part de Miss Vanloo, pour que l'étudiante sorte son appareil photo. Un cliché rapide, maîtrisé et la magie retomba. Du moins, Annalda en tira une leçon, contre son apparence, ce lieu était très nostalgique, parfait pour d'éventuelle et appréciable future balade, quand elle saurait ne pas croiser de nains ou savoir quoi faire en ce cas.

L'autrichienne regarda vers les autres étudiants. Après son arrivée, elle n'avait reconnu qu'une personne sur toute celle qui était arrivée. En relativisant, c'était aussi un peu normal, puisque c'était son premier cours ici, et qu'elle n'avait pas encore fait connaissance avec la population Sywhaidienne. Elle avait pourtant croisé un certain nombre d'ancien Norskennien, comme-ci ils s'étaient passé le mot. Pour Annalda, c'était un peu le cas, puisque c'était Judith qui lui avait parlé du lieu.

Regardant les étudiants, elle vit que tous avez le nez par terre et elle fit de même, un peu par conformisme puisqu'elle n'avait pas encore d'idée spécial à exploiter. Bon alors, on avait de l'eau, de la vase, des tas de truc qui se décomposait, des bêtes qui fuyaient les pas, charmant, mais bon. Ah et ce truc qui sortait de l'eau, arrogant et jaune. La demoiselle s'en approcha, certes mais cela ne la menait pas vraiment loin.

Sur la gauche de son oeil, elle remarqua un mouvement un peu plus rapide que ceux de l'environnement qui l'entourait. Elle tourna son regard sur une petite mouche qui semblait se débattre. La belle avança de quelques pas, enfonçant et décollant le plastique qui entourait ses chaussures dans des bruits de sucions adorables. Elle se pencha sur la pauvre bête et remarqua qu'elle était collée. Elle s'épuisait dans une petite flaque de liquide qui semblait pourtant sucré. Ce fut bientôt la fin, la bête devait se débattre depuis un moment. Sans vraiment d'émotion pour cet insecte, la jeune femme eut un petit pincement neutre aux lèvres avant de le voir se faire engloutir très doucement par le liquide. Suspendu, inerte, comme dans de l'ambre, immobile, la jeune femme attendit de le voir plonger mais il resta là, docile, résigné. Avec un soupir un peu déçu, la jeune femme détacha son regard de la petite bête. Elle remarqua alors que de petite tache noir était elles-aussi immobiles dans le liquide à différent profondeur de ce qui n'était pas une flaque mais un réservoir végétal.

Un peu hésitante, la musicienne se releva et, bien qu'elle ne voyait pas le rapport direct exact, elle prit la parole.

"Miss ? Est ce que les plantes carnivores peuvent s'apparenter au feu ? Leur poison meurtrier par exemple ..."

Non vraiment, elle n'était pas sure d'elle mais au moins elle aurait essayé.

(*) XD je suis méchanteuh avec mes persos

Bon, Asa n’était pas complètement tarée et elle ne commençait pas à sentir du feu là où il n’y en avait pas. Plutôt rassurant. Elle écouta ses deux camarades intervenir à sa suite. Pour une fois, les autres participants du cours semblaient appuyer ce qu’elle avait dit, ce qui était plutôt rare. Bien qu’étant déjà au niveau d’une spécialiste, Asa avait toujours cette attitude de dernière de la classe, un peu parano, qui croit toujours tomber à côté et que les autres vont l’enfoncer. Bon, c’était pas une parano qui ne reposait sur rien, puisqu’on s’était pas mal moquée d’elle à ses débuts à Norsken. Mais bon, là, à Sywhaîd, il y avait quand même moins de risque, tant qu’elle n’était pas dans un cours avec cette Zelia. Parce que les gens à Sywhaîd n’avaient pas cette mentalité d’étudiants élitistes. Eux ils devaient accepter qu’on puisse se tromper, et ils étaient sûrement moins… gamins vis-à-vis de ça. Oh c’était sûr, Asa n’était pas parfaite, elle le savait. Mais au moins, elle ne se moquait jamais de quelqu’un qui se trompait. Après tout, c’était en faisant des erreurs qu’on finissait par réussir, non ?

Tout en suivant Rozen sur les chemins qui bordaient le marais, elle écouta le petit cours que la prof leur administrait. Le ton de la sywhaîdienne plaisait à Asa, ça n’avait d’ailleurs rien d’étonnant. Mais Asa avait aussi aimé Patrick Winter, qui était pourtant très froid et très professoral… Enfin, dans son genre. Parce que Mister Winter n’était pas vraiment un professeur ordinaire, il y avait quelque chose qui se dégageait de lui, et aussi ses cours étaient toujours originaux, intéressants. Elle avait d’ailleurs appris que Patrick avait écrit des essais plutôt controversés sur l’hybridité entre humains et créatures, elle avait été voir à la bibliothèque si elle pouvait les trouver mais ils étaient déjà empruntés, et la bibliothèque de Sywhaîd était moins grande que celle de son ancienne école, il n’y avait en général qu’un seul exemplaire d’un même livre. Faudrait qu’elle attende pour se plonger dans les recherches de son ancien professeur en espérant en découvrir un peu plus à son sujet. Patrick Winter était un mystère qu’elle aurait bien aimé élucider, même si elle avait presque trop de respect pour lui pour vraiment fouiner.

Il fallait donc chercher des traces de passage, de vie des Black Dwarves dans le coin. Okay, c’était dans ses cordes, et en plus ça l’intéressait. Faut dire que quand elle serait exploratrice, faudrait qu’elle arrive à détecter la présence de créatures dans les endroits où elle serait. Donc autant commencer à s’intéresser à ce genre de choses. Elle sauta dans le marais sans aucune hésitation et commença à fureter, sans se préoccuper de ses camarades. Quand elle était intéressée et motivée, Asa n’avait rien d’une étudiante distraite ou dissipée. Elle pouvait même être très attentive et concentrée, studieuse presque. Etonnant, surtout quand on avait déjà eu ses bulletins d’High School sous les yeux. Mais ça n’avait plus d’importance maintenant. Même les Grandes Ecoles Classiques pourraient vouloir d’elle, lui accorder une bourse, si elle avait un mot de Patrick Winter. Elle le savait parce que ce dernier le lui avait proposé un peu avant qu’elle ne parte. Mais elle n’aimait pas l’idée d’aller s’enfermer dans une Ecole traditionnelle. Ouais, ça serait une sorte de revanche, mais c’était tellement pas elle ! Non, patauger dans un marais, de la boue pratiquement jusqu’au cou, pour chercher une trace de vie de petits nains qui ne servaient pas à grand-chose, ça oui c’était tout à fait elle.

Asa n’avait pas vraiment besoin de se concentrer pour détecter l’élément feu. Sa dominance était tellement forte, tellement exclusive, enfin presque, qu’elle était comme toujours branchée dessus. Parfois, elle sentait le feu dans un endroit sans même s’en rendre compte, une présence latente, qu’elle ne savait pas analyser, qu’elle n’était pas capable de comprendre. Comme en présence de Zephira Wood par exemple, ce qui la mettait particulièrement mal à l’aise, alors qu’elle devait suivre la mineure de Magie Canalisatrice pour coupler avec sa Majeure. Ca, elle ne l’avait pas dit à Rozen, elle ne l’avait dit à personne, parce qu’elle aimait quand même bien l’étrange professeur, et qu’il y avait quelque chose qui la faisait tiquer, comme si ce feu qu’il y avait en Zephira n’était pas naturel, mais faisait quand même partie d’elle. Elle préférait ne pas creuser trop le sujet, ne pas trop se poser de question. Parfois, c’était mieux, si on voulait continuer à apprécier les gens.

Elle avança pendant quelques mètres sans rien trouver puis se sentit soudain attirée par un endroit, à côté de quelques plantes du marais. Elle sentait que le feu était très présent, un peu trop mais elle n’avait pas l’impression que ça venait des plantes. Elle se concentra un peu et sonda l’endroit. Non, les plantes n’étaient pas les fautives, pourtant c’était tout proche d’elles. Elle finit par comprendre que ça venait du petit talus de terre sous les plantes. L’endroit, à première vue, semblait tout à fait normal, il n’y avait pas de trace, rien. Ou plutôt, rien de visible. Mais par contre, quand on se mettait sur la fréquence « feu », on voyait des traces très étranges. Il y avait une sorte de point de convergence où le feu était particulièrement présent, pourtant il n’y avait pas de feu en lui-même, juste une trace, mais pas une trace de feu non plus. Une trace qui ressemblait à un endroit où l’on avait fait un rituel, une trace magique, élémentale, pas un simple foyer. Autour, d’autres traces entremêlées, toutes plutôt polarisées au niveau du feu, parfois avec une sorte d’arrière-goût, même si ça n’était pas le terme, métallique. Asa resta quelques minutes à observer l’endroit. Finalement, elle tourna son visage encadré d’une crinière brune et lança à Rozen :

« J’crois qu’j’ai trouvé un camp’ment ou un truc du genr’ ! »

Elle tourna de nouveau son regard sur l’endroit et se pencha pour prendre quelque chose. Une pierre. Une pierre noire, un peu chaude, qui l’attirait et donc devait être chargée en élément feu. Elle ajouta, sans se tourner cette fois, le regard fixé sur la pierre :

« Et y a un’ drôl’ d’pierr’ aussi ! »

Rozen semblait une vraie gamine ; humant l'air nauséabond à pleins poumons, l'étrange professeur progressait avec toute l'aisance humainement possible dans cette eau boueuse qui faisait le "charme" du marais. Le parapluie était devenu une pigouille, très utile pour garder son équilibre dans ce milieu instable. Lestement, elle gravissait les bandes de terre grise pour aller jeter un oeil à une fleur un peu rouge, un arbre un peu mauve, semblant avoir même oublié qu'elle était en train de faire cours.

Cependant, lorsqu'Annalda l'appela, elle ne se fit pas prier et, au risque de se tordre le cou, ni une ni deux, elle fila voir la trouvaille de son élève, tenant encore dans la main ce qui ressemblait à un plumeau verdâtre à demi moisi. Le glissant dans une poche extérieure de son pantalon, elle examina à peine la plante, l'ayant déjà reconnue.

"Yeah ! Bien joué, Ann' !" félicita-t-elle l'élève en lui tapotant l'épaule au risque de lui faire prendre un bain forcé. "En fait... c'est pas tout à fait ça, mais... en fait, les plantes carnivores, à la base, parviennent à survivre dans cet environnement très pauvre parce qu'elles tirent leurs protéines non seulement de la terre, mais précisément des insectes qu'elles capturent. C'est le cas de cette folledragonne", fit Rozen en caressant presque affectueusement le pétale mordoré de la plante en question.

"Ces plantes prolifèrent où il y a des mouches... Or les mouches prolifèrent où il y a..."

Rozen sourit, à mi-chemin entre le rire et une pseudo gêne. Après quoi, elle fit signe à Annalda de la suivre un peu plus loin sur leur langue de terre, à un endroit où, effectivement, un bouquet de folledragonnes s'épanouissait. Ce faisant, les deux jeunes femmes s'étaient, mine de rien, rapprochées d'Asa qui furetait justement un peu plus loin. Mais Rozen, pour l'heure, s'occupait des fleurs jaunes, grattant la terre du bout de son parapluie. Elle attrapa l'épaule d'Annalda pour lui faire voir sa découverte.

"Tu vois...des ossements, de musaraigne ou d'une saloperie du genre. Cet endroit est une ... une sorte de fosse, disons, pour les black dwarves. C'est là qu'ils ont dû faire leur poubelle et leur... enfin, leurs latrines."

Nouveau sourire, tirant cette fois clairement vers l'amusement, même si tout ça n'avait rien de très glamour.

"Elle doit dater d'un ou deux mois, j'dirais ; pas plus, les ossements se désagrègent vite en terrain acide ; mais il a quand même fallu aux fleurs le temps de pousser."

Ce disant, Rozen s'était penchée vers une des fleurs et, délicatement, l'avait arrachée de terre, extirpant un bulbe rouge foncé, presque violet.

"Les bulbes de folledragonne sont des vrais réservoirs à feu, si l'on peut dire ; quand j'étais gamine, on en faisait des pétards. A exploser, j'veux dire, j'mettrais pas ça dans ma bouche !" fit-elle en riant, avant de placer la folledragonne en compagnie du palmier moisi ; cela lui faisait une poche comique sur la fesse droite, mais depuis quand Rozen était-elle une icône de mode ?

L'eut-elle été, les exclamations d'Asa lui feraient occulter le reste. Rozen se précipita vers sa "spécialiste", supposant qu'elle n'était pas du genre à déranger pour rien. Elle ne fut pas déçue. Machinalement, elle avait pris la pierre noire désignée par Asa, mais après l'avoir soupesée quelques instants, examinée, reniflée, et avoir à trois reprises froncé les sourcils, elle la reposa à son endroit initial, et recula de quelques pas. A voix basse, elle déclara à vive allure :

"Ce n'est pas un campement, c'est un lieu rituel ; On n'sait pas exactement ce que font les nains, mais on s'ppose que c'est une forme de...concentration d'énergie ; la pierre noire, c'est la "Pedrag", la pierre sacrée, par laquelle ils restituent leurs forces à la terre, celle qu'ils lui ont entre guillement volée par leurs chasses. En clair, s'ils nous voient ici et se rendent compte que j'ai tripoté leur pierre, on va passer un sale quart d'heure. Ils sont pas puissants mais ont la vengeance tenace. Tirons nous l'air de rien."

Tendue, Rozen guida ses trois élèves -Marybeth s'était rapprochée du groupe- vers la tourbière ; il était tellement courant, à cette époque de l'année, de voir des humains y creuser le sol, qu'elles réussiraient peut-être ainsi à ne pas se faire trop remarquer. La professeur prit même la peine d'amasser un peu de tourbe, qu'elle fit léviter devant elle, à la manière d'un récoltant. Elle fit signe à Asa et Marybeth de s'éloigner, deux groupes de deux étant plus fréquents qu'un groupe de quatre. Grâce à ces précautions, le groupe parvint sans encombre jusqu'aux fabriques. Trempées de boue, les quatre filles dans le vent purent filer droit aux douches, avec une ultime recommandation de leur professeur, celle d'éviter autant que possible le marais durant les semaines à venir...

[Fin de ce cours ; merci de votre participation !]