[Samhain] L'After

Veronica avait avancé de ce même pas décidé jusqu’à ce que les rumeurs du banquet aient complètement disparu derrière elle. Quand le silence fut revenu, elle se laissa tomber sur le sol, remonta ses genoux vers son menton et les enserra de ses bras. Les larmes perlèrent à ses yeux mais elle refusa de les laisser couler. Elle refusait de pleurer pour rien. Ce n’était que la fatigue, le stress. Pas la tristesse. Alors non, pas de pleurs.

Rohé s’était perché maladroitement près d’elle sur l’herbe. Il n’aimait pas être si près du sol mais il n’y avait pas d’arbres dans les environs et Veronica avait besoin de sa présence. L’avoir à proximité suffisait, ils n’étais pas très démonstratifs.

- V…

- Je sais pas Rohé, je sais pas…

Les deux moitiés restèrent posés dans l’herbe humide, en silence.

[Tibère?]

Tibère courait, les yeux fixés sur le faucon voletant au-dessus de la foule. Ils s'éloignaient du banquet, mais le jeune homme ne regrettait pas de quitter la fête. Il s'était bien amusé, mais pas question de rester au même endroit que Logan. Il avait vaguement honte, parce que pour une fois, il n'avait pas réagi à la provocation. "Spaguetti" ... Non mais vraiment.
Le romain entrevit bientôt une forme sur le sol et arrêta de courir. Il s'arrêta même de marcher pour réfléchir à ce qu'il allait faire. Aller la voir ? La laisser tranquille ?
Mais un empereur ne se gêne jamais, alors il se remit à marcher, décidé, en direction de Veronica.
La jeune fille était silencieuse, et Tibère se laissa tomber dans l'herbe à ses côtés. Il resta silencieux quelques instants lui aussi, puis finit par murmurer, songeur :

-"Etrange, tous ces liens... Je n'ai pas compris, je pense."

Puis, après un silence, il ajouta, plus fort :

-"Je ne sais pas être désolé, Veronica. Ni donner du réconfort aux gens."

L'italien se leva et se planta face à la blonde (devenue brune mais là n'est pas la question) et une nouvelle fois donna un ordre sans s'excuser :

-"Explique-moi."

Veronica releva la tête, surprise. Qui pouvait bien l’avoir rejoint ? Tibère ? Un sourire vaguement étonné se dessina sur ses lèvres. Elle ne s’était absolument pas attendue à ce qu’il la suive. C’était déjà bien assez difficile pour lui d’avoir été mêlé à toute cette histoire qui ne le regardait absolument pas ! Elle sentit de nouveau les larmes lui monter aux yeux. Des larmes de gratitude maintenant ? On aurait tout vu ! Décidément, elle avait l’alcool triste. Il faudrait qu’elle s’en souvienne.

Elle laissa échapper un petit rire, à mi-chemin du ricanement quand l’empereur avoua n’avoir pas compris tous ces liens. Sûr que c’était pas les relations les plus simples qu’on puisse imaginer. Et lui qui s’était retrouvé coincé au milieu de tout ça ! Le pauvre… Veronica se sentait même légèrement coupable.

La franchise simple de la suite de ses paroles fit de nouveau sourire la jeune femme. Bizarrement, elle avait sans doute bien plus besoin de ça maintenant que de quelqu’un qui aurait voulu la réconforter au sens traditionnel du terme en lui disant que tout irait bien et en la mettant en rage.

Elle leva les yeux vers Tibère, qui la regardait maintenant d’en haut et haussa légèrement les épaules.

- Logan, c’est l’homme de ma vie.

Elle ne précisa pas qui était Logan, c’était suffisamment évident comme ça.

- Donc forcément, on passe notre temps à se faire souffrir mutuellement.

Un sourire désabusé erra sur son visage défait.

- Et je viens d’apprendre qu’il est en contact avec ma copine actuelle qui traverse une phase de dépression et que je suis incapable de soutenir parce que je suis trop focalisée sur le retour de Logan dans ma vie.

Elle parlait d’un ton morne, comme si elle exposait une série d’évidences d’un ennui total. Elle ne se confiait pas souvent mais elle devait avouer que, en l’occurrence, c’était facile. Et ça faisait du bien.

- Que du bonheur quoi ! conclut-elle avec un rire désenchanté.

Elle se tut quelques secondes puis ajouta avec un sourire d’excuse :

- Désolée que tu te sois retrouvé mêlé à tout ça.

Tibère avait écouté Veronica, la regardant avec attention comme si rien d'autre n'existait. Il se laissa de nouveau tomber à ses côtés et s'exclama :

-"Désolée ? Pourquoi ? J'aime beaucoup faire de nouvelles connaissances, tu sais !"

Il eut un rire dément, puis ajouta :

-"J'aurais bien voulu me battre avec Logan, j'adore me battre. Mais tu aurais refusé de continuer à me parler, non ? Parce que je pense que tu n'aurais pas accepté que je fasse du mal à Logan. Toi seule en a le droit."

Il avait déclaré cela d'un ton tranquille et assuré, comme s'il énonçait une vérité inébranlable. Sa voix était devenue grave, mais son visage resta comme indifférent.
Il s'allongea dans l'herbe et contempla le ciel, puis murmura avec douceur :

-"Tu vois, c'est étrange, tout ce qui unit les gens. Il t'a fait souffrir, et tu cherches à lui parler, à attirer son attention. A lui rendre la pareille, mais pas à l'ignorer."

Toujours allongé, il tendit le bras et attrapa la main de Veronica en souriant. Elle l'émouvait, avec sa tristesse, son costume de Catwoman et son ivresse. Mais il ne chercherait plus à la séduire, par respect pour Logan. L'américain avait gagné le respect de Tibère par une obscure pirouette de l'esprit dérangé de l'italien.

Rire de dément pour Tibère, peut-être, Veronica ne fit pas attention. Elle se contenta d’un rire frêle, las, fatigué. Elle se sentait toujours au bord des larmes, ce qui lui arrivait tellement rarement qu’elle ne savait pas trop quoi faire. Sans compter qu’une immense lassitude avait envahi tous ses membres.

La suite du discours de Tibère la laissa bouche bée. Sa dernière phrase était tellement vraie que ça en devenait carrément flippant. Comment quelqu’un qui la connaissait si peu avait-il pu la cerner aussi bien et en aussi peu de temps ? C’était ça. C’était exactement ça. Elle sourit avec tristesse.

Il avait entièrement raison. De A à Z. Un psy payé des centaines de dollars la semaine n’aurait pas réussi à mieux l’analyser. Elle observa Tibère un peu par en dessous et serra instinctivement sa main. Sa présence était réconfortante et les quelques mots qu’il avait prononcés l’avaient plus touchée que tout ce qui s’était passé jusque là.

Sans prévenir, Veronica prit l’Italien dans ses bras et posa la tête sur son épaule.

- Merci, souffla-t-elle.

Elle déposa un léger baiser sur la joue de Tibère et se remit debout tant bien que mal. Elle vacilla quelques secondes avant de retrouver son équilibre puis elle baissa les yeux vers le Romain.

- Je vais aller dormir. Je crois que c’est ce que j’ai de mieux à faire.

Après un dernier sourire, elle s’éloigna d’un pas lent et mesuré. Rohé, après avoir lancé un regard reconnaissant à Tibère, prit son envol et suivit sa moitié.

[Comme convenu, j'ai fait court histoire que Tibère puisse retourner au banquet si ça le branche... On rejoue quand tu veux!!!]